L'histoire :
Au début des années 50, la France se lance dans une politique de remembrement. Il s'agit de réorganiser l'économie des terres pour les rendre cultivables par les engins et plus rentables par la massification. En Loire-Atlantique, à Fégréac, 2000 habitants, les parcelles font en moyenne 0,2 ha. Quasiment chaque famille possède des arbres fruitiers, des pommiers surtout, qui leur procurent environ un quart de leurs revenus. Le maire de la commune lance ses administrés dans le remembrement, avec pour objectif de redistribuer les terres et créer des parcelles plus grandes, plus efficaces. Les ingénieurs se heurtent à la difficulté de la géographie locale, avec des bocages, des haies, des petits vergers isolés. Le choix est fait de tout raser. Les voies de recours sont fermées aux habitants qui refusent le remembrement. Les recours n'étant pas suspensifs, ils voient leurs vergers et leurs champs détruits. Des manifestations se créent, des oppositions violemment réprimées par les autorités. Le député de la circonscription, Jean Guitton, porte le débat à l'assemblée, mais on lui oppose le mépris centralisateur. Des vies vont être brisées, mais ce n'est pas le problème de l'état et du « progrès »...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après leur précédente enquête, Les Algues Vertes, Inès Léraud et Pierre Van Hove s'intéressent au plus grand plan social du XXème siècle : le remembrement. Politique à marche forcée pour le déploiement de l'agriculture intensive de l'après-guerre, le remembrement a consisté à regrouper les terres afin de les adapter à la mécanisation, d'augmenter la production, et de transformer la France en puissance agricole mondiale. L'objectif a été atteint, mais on a vu depuis le Covid et la guerre en Ukraine que la destruction des paysages ruraux et de la biodiversité, la massification de l'exode rural et la transformation en profondeur du tissu social paysan ont créé une agriculture mondialisée, mais qui peine à nourrir les français dans les régions. Comme pour le démantèlement des trains régionaux, la disparition des tramways urbains, la désindustrialisation, les gouvernements doivent trouver des solutions désormais pour revenir en arrière et aider une agriculture de proximité en souffrance. Inès Léraud pointe les luttes et les souffrances des humains, l’aridité du cœur des gouvernements et des administrations. La ligne claire de Van Hove est au service du propos, probablement un peu trop, mais c’est le problème de ces BD de sciences sociales, extrêmement riches, documentées, très intéressantes et fouillées, mais dures à lire. Le sujet est passionnant, l’enquête aboutie, et les lecteurs devraient s’enrichir humainement et politiquement en lisant cette BD.