L'histoire :
Bolivie, 1967, Rolando paie le lourd tribut de la Guérilla en perdant la vie au combat. Il était l’un des meilleurs lieutenants du Che, un des piliers, son ami depuis qu’ils étaient enfants… Pour le petit Ernestito, l’enfance, elle débute en Argentine, le souffle embrumé par plusieurs pneumonies qui le laisseront asthmatique sa vie durant. Un peu de foot, les visites de fugitifs espagnols que le conflit civil a chassés, la deuxième guerre mondiale, le rugby, l’amour et les premières manifs anti-Perón pour la ponctuer. Plus tard, il y a son ami Granados, médecin à l’hôpital des lépreux, dont l’engagement le fascine et dont il suivra la voie. Puis les chemins interminables et rocailleux en cyclomoteur et ces gosses aux yeux rivés sur tant de choses inutiles, bras pâlichons, ventres gonflés de rachitisme. Il faut faire quelque chose : il fera… Bolivie, 8 mai 1967, tout ça semble si loin. Le Che et sa poignée de guérilleros avancent, gagnent une partie : 10 prisonniers ; 4 Mauser ; 7 M-1 mais plus qu’un peu de beurre pour continuer d’avancer. La nourriture manque, les hommes se volent les rations : une maison abandonnée, bien approvisionnée avec de l’eau, est un vrai cadeau. La faim n’est malheureusement pas leur seule ennemie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A peine éteinte, et avant qu’elle ne se « postèrise » à la manière d’une icône pop-rock, l’histoire d’Ernesto Guevara est mise en cases par 3 de ses talentueux compatriotes, dès 1968. Les 3 artistes veulent rendre un hommage à chaud à celui qui, malgré sa mort, incarne encore le mieux l’espoir en Amérique du Sud. Le succès est foudroyant : les murs de Buenos Aires sont couverts d’affiches le jour de la sortie de l’album ; 60000 exemplaires sont écoulés en quelques semaines… Et puis, la junte militaire en 1973, le livre interdit, des planches originales brûlées. Quelques années plus tard, l’assassinat du scénariste Hector Oesterheld par les militaires ponctue tristement l’histoire de cette bande dessinée. Plus de 40 ans après sa première parution (et un petit crochet par les éditions Fréons en 2001), il nous est à nouveau possible de la feuilleter… En dehors du propos purement biographique mettant en exergue l’engagement politique (au sens noble du terme, c'est-à-dire qui n’est pas d’abord un moyen d’accéder au pouvoir) et humain de Guevara, c’est l’approche artistique qui retient l’attention. Il y a une écriture : cisaillée en une longue énumération qui oublie volontairement les verbes ; découpée ; mitraillée ; courte et claquante… il y a un noir et blanc : des contrastes à couper le souffle, un quatre-mains au tempo du découpage, impeccablement maitrisé. Seul le manque d’habitude à plonger dans ce genre de démarche créative limite la lisibilité. Une œuvre à découvrir sans aucun doute cependant.