L'histoire :
Âgée d’environ 10 ans, la petite Clémence est archi-persuadée de tout savoir mieux que les autres. Cultivée, intelligente et souffrant d’un complexe de supériorité incurable, elle a toujours une réponse à toutes les questions, quelle qu’en soit la nature. Elle est la première de la classe, elle donne perpétuellement des leçons à ses camarades, à ses parents, à ses professeurs, à son hamster et carrément à l’académie des sciences. Au sujet, par exemple, des symptômes de la rage, dont souffre forcément son petit frère, puisqu’il braille en bavant à longueur de journée. Il lui arrive même, lorsqu’elle rêve, de donner des leçons à Dieu. Forcément, étant donné ce caractère sans concession, les copines de son âge ont du mal à la supporter. Il faut donc trouver des activités de contournement, lors desquelles personne n’a besoin de commander. Autre exemple, lors d’une après-midi d’anniversaire déguisé, tout le monde a trouvé un costume original ou spectaculaire… mais Clémence, elle, a revêtu la tenue de Jane Goodall, la célèbre primatologue (donc une jupe de brousse et un appareil photo… trop banal). Le seul copain qui semble un tant soit peu intéresser Clémence, c’est Viktor. Car Viktor souffre d’une forme profonde de spleen. Son existence est vouée à la déprime et il l’exprime à longueur de journée, avec emphase et lyrisme…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout le monde a connu une Clémence évidence au cours de sa vie scolaire, universitaire, professionnelle ou sociale… C’est en effet celle qui trépigne (pour être bien vue) en levant le doigt plus haut que les autres, afin de prouver la toute-puissance de son savoir, de sa domination intellectuelle sur le groupe. C’est celle qui ne se remet jamais en question, puisque l’erreur ou l’inexactitude provient forcément d’autrui. C’est ce comportement absolument insupportable que cerne plutôt pas mal Sandrine Bonini à travers ce premier recueil d’histoires courtes (22 historiettes de 2 pages, et deux d’une seule, en guide d’intro et de conclusion). La scénariste parvient plutôt pas mal à faire le tour de ce profil psychologique particulier, en renouvelant autant ses facettes, qu’elle varie les ressorts humoristiques. C’est cependant plus finaud que percutant : on ne rigole jamais franchement à gorge déployée. L’idée de départ est bonne, les moyens sont aboutis, mais on se demande tout de même si les lecteurs suivront, concernant une spécificité comportementale aussi peu attachante. Au dessin, Merwan change radicalement de style, pour ce propos donné. Il trouve un « système graphique » parfaitement en phase avec le sujet, un trait plus simple et une mise en page plus basique que d’ordinaire, bien que lui non plus ne soit pas totalement séduisant par sa sobriété et sa colorisation volontairement terne. En somme : une bonne idée, bien exploitée, mais qui peinera peut-être à trouver son public…