L'histoire :
À Uzeste, en Gascogne, Pierre Carles présente son dernier long métrage, Un berger et deux perchés à l’Elysée dans lequel il montre les liens entre l’argent et la politique. Il est interpellé par Isabelle Vallade, travailleuse sociale, ancienne militante pour la libération des membres d’Action Directe, sur la situation de Georges Ibrahim Abdallah. Elle lui montre des notes qui prouve l’intervention d’Hillary Clinton auprès de Laurent Fabius en 2013, alors qu’ils étaient tous deux ministres des affaires étrangères, ayant abouti au refus du ministre de l’intérieur, Manuel Valls, de signer l’arrêté d’expulsion d’Abdallah vers le Liban, alors même que le juge d’application des peines venait d’autoriser sa sortie de prison. Les gouvernements successifs n’ont rien fait de plus pour libérer Abdallah. Pierre Carles accepte de faire une vidéo de soutien et commence ses recherches. Il se rappelle alors avoir parlé de cet homme avec Jean-Marc Rouillan, membre d’Action Directe, alors qu’ils étaient tous les deux (Abdallah et Rouillan) incarcérés à la prison de Lannemezan, onze ans plus tôt. Carles décide alors d’en faire un film et une BD.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Journaliste reporter, Pierre Carles réalise des documentaires vidéo qui dénoncent les collusions d’argent et de pouvoir, notamment. Son premier long métrage, Pas vu pas pris, a recueilli 160000 entrées. La bande dessinée retrace l’enquête effectuée pour la préparation de son dernier film, Who wants Georges Abdallah in jail ? Il retrace en 19 chapitres la construction médiatique d’une figure de terroriste tout-puissant alors qu’Abdallah n’a été interpellé et condamné de prime abord que pour détention de faux papiers et d’arme. En réalité, si Abdallah a soutenu publiquement les assassinats d’un diplomate américain et un autre israélien en 1984, il a toujours clamé son innocence. Mais après l’intervention des Etats-Unis, il a été finalement jugé puis condamné pour complicité dans ces affaires. Alors que l’avocat général demande 10 années de prison, il est condamné à perpétuité dans une ambiance de traumatisme liée aux attentats de 1986 que des journalistes imputent à tort à la famille du libanais. Comme tous les travaux de Pierre Carles, les discours comme les questions sont très orientés. Mais comme toujours, c’est très bien documenté et surtout, l’être humain est placé au-dessus de toute considération. On est tour à tour agacé par les côtés complotistes ou plutôt jusqu’auboutistes du journaliste, qui appuie sans pitié sur les erreurs ou les complaisances de ses collègues. Puis on est subjugué par sa volonté de faire vivre ce qu’il considère comme le bon droit. Chacun trouvera son compte en tout cas dans la lecture de cette œuvre très riche qui aborde une question brûlante aujourd’hui. Les questions connexes aux affaires de terrorisme au Proche-Orient sont tellement passionnelles qu’on ne peut quasiment pas les aborder tranquillement. La mise en images est sobre et les portraits de Malo Kerfriden permettent aux plus décatis des lecteurs de reconnaître des visages oubliés, qu’ils soient politiques ou journalistes.