L'histoire :
Quelqu’un parle, mais tout est noir autour de lui. Adam écoute et comprend qu’on pense qu’il n’entend pas. Il déduit qu’il est sur un lit d’hôpital, plongé dans le coma. Régulièrement, sa concentration « s’endort » : les phrases qu’il perçoit s’évanouissent… puis reviennent plus tard. Autour de lui, ça parle d’IRM, de perfusion, de cathéter. Un nouveau protocole est appliqué, Adam replonge dans l’inconscient. Parfois, c’est le silence et toujours l’obscurité. Les médecins avouent qu’il y a peu de chances qu’il se réveille un jour, et qu’il est désormais incapable de ressentir quoi que ce soit. Néanmoins, sa femme Lucy persiste à lui parler, doucement. Il s’endort. Se réveille. Combien de temps passe ainsi ? Soudain, on s’anime et on s’inquiète autour de lui : il est en train de faire un arrêt cardiaque. Il perd connaissance. Il revient à lui, mais tout est toujours noir. Un policier parle d’enquête et prend de ses nouvelles. Que lui est-il arrivé, nom de nom ? Il perçoit une image, et même si c’est diffus, il croit reconnaître un incroyable désordre d’objets… C’est diffus et fixe. Quoique… Au fil des jours, cette même image lui revient sans cesse, de plus en plus précise. Et ce n’est pas une image fixe, mais un ralenti extrême. Serait-ce les derniers instants avant son coma, qui défilent à une vitesse prodigieusement lente ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Marc-Antoine Mathieu voue son œuvre de bédéaste à la BD expérimentale. C’est toujours intéressant, un regard neuf et original sur une manière réinventée de faire – et de lire – une bande dessinée. Cette fois, ses détracteurs vont initialement crier à la fumisterie : 90% de Deep me consiste à enfiler des cases toutes noires. Seuls les phylactères et les onomatopées se distinguent en effet dans une succession de rectangles noirs, sans rien de dessiné dedans. Et pour cause : le héros est plongé dans le coma et partage en « caméra subjective » sa condition à la fois désespérée et définitive. On suit donc l’évolution de ce qu’il perçoit, ses déductions, ses espoirs… Et puis soudain une même image lui revient par bribes. Ou plutôt une image complexe, composée de moult éléments en suspension, qui évoluent au ralenti, selon une traduction oculaire différemment diffuse. Lesdits détracteurs y regarderont de plus près : ça n’est jamais la même image. MAM a réellement dessiné à chaque fois une image légèrement différente, comme autant de captures d’écran d’un film projeté au ralenti, un ralenti extrême. Derniers instants avant l’accident ou projection d’une solution de plus en plus consciente pour trouver une issue au coma ? Tout le monde le croit inconscient, or ça n’est assurément pas le cas, et seul le lecteur s’en rend compte ! Nous n’allons certes pas révéler la teneur, la raison et la conclusion de son coma, mais sachez que les dernières pages vous réservent un rebondissement inattendu. A défaut d’être tout à fait convainquant, ce nouvel album de MAM se révèle une nouvelle fois une expérience de lecture intéressante, qui remet en perspective les moyens et les effets du 9ème art.