L'histoire :
Le monde entier apprend soudain que l’apocalypse aura lieu demain, à 19h précises. Le Président de la République Française en fait aussitôt l’annonce à ses concitoyens lors d’un flash spécial. Il apparait à la télé torse nu, avec un tatouage tribal qui signifie « sagesse » en maori. A moins qu’il ne s’agisse du mot « soupe ». Le jour J, au petit matin, chacun s’apprête donc à sa façon à vivre sa dernière journée de vie. Puisqu’il ne reste guère plus qu’à se faire plaisir, le cadre supérieur hésite à mettre une cravate Mickey. Alors que son amante lui propose de rester au lit pour faire l’amour toute la journée. Un autre annonce qu’il a prévu de s’immoler par le feu à 18h30, en famille. Zut, il va falloir avancer la dernière réunion à 17h, du coup. Un junkie s’apprête à se jeter sous les roues d’une trame de métro. Une femme sur le quai essaie de lui faire renoncer à ce projet : elle préfère qu’il attende le suivant sinon il va être en retard. Un créatif se gare dans le parking souterrain à la place pour handicapés. Il a toujours eu envie de faire ça, alors puisque c’est la fin, autant qu’il en profite pour réaliser ses rêves les plus fous.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rions un peu de la mort, avant qu’elle ne nous rattrape. Si l’humanité a désormais bien identifié qu’en raison de son activité polluante, elle fonce à vitesse grand V vers la fin de l’anthropocène, elle sait aussi qu’il lui reste quelques années pour réagir et inverser son impact négatif sur les conditions de vie. Et du coup, elle ne fait pas grand-chose, voire rien. A priori, l’apocalypse est donc inéluctable. Le scénariste Karibou prend cette fatalité au pied de la lettre et lui applique une sévère accélération : la fin du monde est pour ce soir, à 19h pétantes. Et puisque l’humanité a décidé d’être amorphe et de ne pas se concentrer sur l’essentiel, il accélère également les pires comportements futiles. Dans ce recueil de « gags » en une page, les gens gèrent la fin du monde imminente sans panique, comme s’il s’agissait d’un rendez-vous chez le coiffeur. En somme, les auteurs nous invitent à rire jaune de cet évènement inévitable. Un cadre supérieur s’amuse de son suicide programmé, un autre se laisse aller à ses fantasmes. Une institutrice ou une mère de famille laisse tomber tous les filtres, d’autres assument leur journée normale de boulot, avec cette info comme une échéance quotidienne banale. C’est l’occasion de s’amuser avec nos réflexes sociaux et la futilité de la vie en milieu urbain. Chavant dessine l’ensemble rehaussé d’une légère bichromie de rouge ou bleu, dans un style réaliste correctement proportionné, mais impersonnel.