L'histoire :
Un beau jour, lors d’un recensement de population, un homme dévoile son identité. Nom : Dieu. Prénom : Dieu aussi. Dieu Dieu ? Eh oui, ce quidam pourvu d’une tignasse et d’une barbe blanche prétend être Dieu en personne. Au début, la perplexité est de mise… Or, à la moindre question, Dieu oppose immédiatement une réponse à la fois incroyablement adaptée, déstabilisante et néanmoins simple et naturelle. Ce coup de théâtre est immédiatement répercuté dans toute l’humanité. Il suscite le doute, puis la circonspection, puis moult débats et réflexions métaphysiques, et enfin un gigantesque procès mondial ! Car si Dieu est bien Dieu comme il le prétend, il est donc la « cause première » de toute chose, coupable universel. De fait, vu la notoriété du prévenu, le procès est ultra-médiatisé et requiert des infrastructures et un dispositif juridique sans précédent ! Le temps de l’instruction, la communauté humaine mobilise toute son attention et ses compétences autour du phénomène. Mathématiciens, philosophes, sociologues, psychiatres, médecins, historiens apportent leur grain de sel à la controverse. On en fait des films, des pièces de théâtre, des affiches, des logotypes… Dieu lui-même écrit plusieurs dizaines de bouquins, qui font tous exploser le box-office. On invente même le plus gros ordinateur de tous les temps, synthèse intelligente de tous les savoirs et concepts, afin qu’il puisse se mettre au niveau de Dieu pour l'interroger…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec un titre et un concept pareils, Marc-Antoine Mathieu ne va pas manquer (encore une fois) de se faire remarquer ! Comme à chacune de ses œuvres, l’auteur du Dessin et de Julius Corentin Acquefaques emprunte un angle narratif astucieux : un beau jour, Dieu « descend » sur terre, au sens propre. Les causes de cette personnification divine soudaine demeurent obscures tout au long de l’album (hormis dans l’épilogue, finaud) : Mathieu se concentre essentiellement sur les conséquences. Piqué au vif par cette problématique hors du commun, le lecteur se repait alors d’un florilège d’approches philosophiques et métaphysiques toutes plus pertinentes les unes que les autres. En effet, si le contexte de base parait élémentaire, son approche est évidemment beaucoup plus ardue : comment faire le tour de Dieu, sans rien omettre ? L’auteur présente son propos comme s’il s’agissait d’un reportage télévisé : en autant de séquences mises bout à bout, moult intervenants et témoins interviennent en gros plans pour délivrer leurs points de vue, illustrés par des extraits du procès. L'évènement judiciaire confronte alors logiquement le concept de « Dieu », entité par définition impalpable et abstraite, aux considérations et mesures cartésiennes inventées par l’homme (un sommet d’absurdité) : le point de vue des physiciens, des psychiatres, des théologistes… et même des communicants-marketeurs ! Au passage, l’auteur s’amuse aussi avec la rhétorique, faisant inévitablement penser aux inénarrables soliloques de Raymond Devos. Néanmoins, Mathieu est surtout connu pour avoir énormément joué graphiquement avec les éléments structurels intrinsèques à l’art séquentiel (les cases, les bulles, les pages…). La majesté du présent propos aurait toutefois souffert ici de ce type d’excentricité. Le dessin demeure donc très sage, un noir et blanc élégant tout juste complété de 2-3 niveaux de gris. Aux décors contemporains en arrière-plans, l’auteur préfère l’idée de quantité : des gens, des bouquins, des piliers, des étages à n’en plus finir… ou de l’aplat noir, tout au long des 120 planches. Enfin, concernant la personne de Dieu, sur une silhouette affligeante de banalité, elle/il n’est jamais représenté(e) de face, ou alors ce n’est pas vraiment lui, mais une de ses interprétations humaines (ouf !). Bref, les fans de Mathieu peuvent se jeter à corps perdu sur ce nouveau petit bouquin virtuose, qui barbera assurément ceux qui recherchent le divertissement pur. A noter enfin, une coïncidence anecdotique : l’album est paru le 09/09/09, ce qui donne à l’envers…