L'histoire :
Mike, jeune noir des banlieues pas bien malin, vit avec sa mère au sein d’un HLM pourri. Sa mère, elle est subjuguée par les soaps romantiques qui passent à la télé et ne s’occupe absolument pas de lui : seule les tergiversations amoureuses de Pamela et Ryan l’intéressent. Du coup, Mike zone la plupart du temps et cherche l’amitié de JP, un caïd solitaire et silencieux, qu’a l’air intelligent, lui collant aux basques comme un vrai clébard. JP, son vrai nom, c’est Jean-Pierre. Mais il supporte pas qu’on l’appelle comme ça. JP, les yeux enfoncés dans les orbites, une crête de punk sur le crâne, faut pas l’emmerder, sinon il met pas longtemps à dégainer son crochet du droit. Même « le boxeur », un autre caïd de la cité, a été mâté par JP, qui lui a écrasé les burnes et l’a obligé à faire miaou. Depuis, l’autre rumine sa vengeance et JP serait bien avisé de prendre un peu de distance avec le quartier. Or, ce jour là, Mike avertit JP que les keufs font une descente dans la cité parce qu’on a retrouvé le cadavre de son beau-père dans le local à poubelles, roué de coup. Il aurait pas cogné dessus un peu trop fort, par hasard ? JP et Mike fuient donc à destination de… nulle part. Ah si : ils visent le centre de la France, parce que de là, si les flics les repères, ils auront le choix de la direction pour se tirer. Mais pour commencer, ils s’installent sur une aire d’autoroute…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jusqu’à présent, Nicolas Poupon était surtout connu pour ses gags animaliers, au Fond du bocal ou sur la terre ferme (Le cri de l’autruche). On le retrouve aujourd’hui dans un registre radicalement différent, un roman graphique au ton bien plus grave, d’obédience sociale, option banlieues désœuvrées. Mike et JP sont deux stéréotypes de jeunes des quartiers. Sans repère, sans motivation, sans éducation… ils savent juste qu’ils sont mal barrés dans la vie. Un élément déclencheur (le soi-disant meurtre du beau-père par JP) les pousse à devoir se prendre en main… ce qui ne ressemble logiquement à rien, puisqu’ils n’ont pas d’idée. Au lieu de zoner dans la cité, ils zonent donc sur les aires d’autoroute et se laissent « adopter » par un vendeur ambulant de lunettes de soleil ringardes. Très ouvert, ce troisième larron prénommé Basile leur donnera ces repères qui leur manquent et les embarquera dans une sorte de road-movie français à destination indéterminée. Le simple fait de découvrir d’autres perspectives que leur cité les ouvre alors au monde. Certes, ça n’est pas une révélation radicale non plus : Poupon conserve une bonne dose de réalisme dans son récit, dessiné sur un mode semi-réaliste aux teintes bichromiques (beaucoup plus « abouti » que Super sensible). De même, il ne cherche pas à nous imposer une quelconque démonstration moralisatrice, nous livrant juste un morceau de vie de deux « racailles ». A l’origine, ces jeunes ne s’expriment qu’avec la violence et le charme inhérents à leurs origines (les dialogues sont ponctués de « putain ! » très réalistes). Néanmoins, par le truchement de rencontres, d’aventures légères et grâce à la personnalité folklorique de Basile, Poupon insuffle pas mal de poésie à ce récit très plaisant…