L'histoire :
Ouverture sur les visages graves d'O et René. Installés dans le confort capitonné d'une voiture de maître, il lui demande de d'ôter ses bas. Regard vide, elle s'exécute. Une paire de jarretière en plus et une culotte en moins, elle est fesses nues sur la banquette, quand l'auto s'immobilise devant une majestueuse demeure. Elle descend seule, avec comme consigne de sonner à la porte et de faire tout ce qu'on lui dira. Deux plantureuses hôtesses l'accueillent en silence, tous seins dehors de leurs robes à bustier. O est ensuite entièrement déshabillée puis préparée. D'abord, elle reçoit un lavement, puis maquillée, poudrée jusque dans son intimité, elle est laissée nue et seule dans un boudoir à miroirs. Finalement, elle est menée dans un salon cossu. Là commence son initiation à la soumission. Des hommes en capes, masqués par des résilles, la prennent, la fouettent. Elle hurle, pleure et pourtant dit « je t'aime » à celui qui l’a amenée dans cet endroit et qui participe parfois aux ébats. Elle passe ses nuits sur une paillasse où, enchaînée au mur, elle est à la merci de son gardien. Sans la prévenir, celui-ci la réveille en pleine nuit pour une nouvelle séance de supplices. Elle devra porter des ceintures interdites, sera prise par un dogue allemand et constamment humiliée pendant ce séjour à Roissy où le temps s'est suspendu. Elle en sortira dignement, au bras de René qui pense déjà à la prochaine étape de ce dressage… Sir Stephen.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l'image de la couverture et des décors, on nage dans le raffinement au cours de ce récit classe et cru. « O » se révèle au fil d'une histoire où elle découvre le masochisme, avant de verser dans le sadisme mental et la manipulation tout azimut. On baigne dans le sexe à tout moment ou presque. Une omniprésence du nu qui nous plonge dans cet univers parallèle où se mêlent domination, business et partouze, d'un bout à l'autre de l'histoire. Souvent cruelle et froide, l'atmosphère glace la chair à vif qui s'étant sous nos yeux. Le scénario est élaboré. O prend peu à peu de l'assurance après s'être offerte corps et âme à René et Sir Stephen, elle initie Carol, manipule et utilise Dotty, Pembroke ou Patty pour prendre les rennes du pouvoir, véritable source de son plaisir. Le dessin noir et blanc réaliste donne un air subtilement démoniaque aux personnages, de même que les regards morts de tout le monde. Des gros plans, des séquences, on est presque au cinéma. Intense exploration de la luxure sous sa forme raffinée qui deviendra finalement un instrument de pouvoir, on comprend pourquoi cette histoire est une référence de l'érotisme qui traverse le temps. Guido Crepax signe un chef-d'œuvre du chef-d'œuvre de Pauline Réage. Une histoire unique, reflet d'une humanité qui explore les limites de l'humanité, dans un monde où seuls quelques dominants tirent les ficelles de légions d'humains pantins. Anecdote : la femme d'un philosophe français adepte des blanches et amples chemises figurait au générique de l'adaptation cinématographique originale. Vous la reconnaîtrez sous les traits de Jeanne, une des initiatrices d'O.