L'histoire :
A Trieste, existe une Maison des Chats : un endroit pour eux – et pourquoi pas conçu par eux – dans lequel une planche judicieusement posée leur offre une entrée et où des escaliers vermoulus les attendent pour qu’ils se faufilent à l’étage. En haut, il y a une cheminée. Un feu y brûle-t- il ? Une bibliothèque gigantesque leur offre-t-elle des instants savoureux ? S’amusent-ils à observer par la fenêtre l’étrange balai humain de la rue ? Nombre de questions qui attisent la curiosité de David B, inexorablement attiré par cette maison. Puis par la cave de cette demeure, terrain ancestrale de luttes entre chats et rats, entre rats et cafards, entre cafards et insectes flasques sans noms. David B descend. La véritable peur viendra plus tard… Peut-être au détour d’un rêve ou dans un autre labyrinthe tortueux de son esprit. Une imagination qui s’exacerbe aussi dans le creux d’une librairie en consultant le livre de Lino Jannuzzi et Francesco Rossi sur Lucky Luciano : Ah ! Cinéma jubilatoire et savoureux excès mafieux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Souvent, pour notre plus grand bonheur, le journal autobiographique est devenu un joujou chahuté avec jubilation par les auteurs qui, de la blogosphère jusqu’au format papier, ne se privent plus d’étaler leur quotidien. Si David B emprunte ici ce système narratif, son Journal d’Italie n’a pas grand-chose à voir avec des Petits Riens (de Trondheim) ou des Notes (de Boulet). Là où les uns poussent avec efficacité le sens aigu de l’observation pour de subtiles réflexions, David B utilise la focale de l’événement banal comme porte ouverte à une formidable exploration : l’instant « T » où il permet à la réalité de déraper. Ainsi, les ruelles ou les librairies de Trieste, les ponts ou les cafés vénitiens, les rencontres hasardeuses, les articles de presse, exercent sur l’auteur leur magie, pour une mise en mouvements immédiate de l’imaginaire : littérature, Histoire et légendes, poésie, cinéma, mafia et (évidemment) pouvoir du rêve, rythment de méandreuses excursions dans un univers prompt à libérer l’énergie graphique de ce dessinateur né. S’octroyant une liberté totale, David B laisse ainsi son trait s’en donner à cœur joie. S’interdisant tout retour en arrière et confessant ne jamais très bien avoir su où il irait, l’auteur nous donne un bel exemple du mécanisme de la création : un peu comme si, pour une fois, il réussissait à coucher sur papier cette tambouille intra cérébrale qui précède la naissance d’un projet BD. Le résultat est plus que probant. Peut-être pas forcément très accessible au plus grand nombre, mais véritable régal pour amateurs d’un dessin et d’un univers particulier : toujours à la fois si poétique, si doux et si inquiétant…