L'histoire :
Un chariot traverse le far-west aride, avec à son bord un lord anglais distingué et bavard, un colosse norvégien qui s’exprime par borborygmes et le macchabé d’un bandit mexicain. Visiblement, Messieurs Byron Peck et Knut Hoggaard (les deux vivants) ont tirés quelques informations de feu Rodriguez (le mort). Ils s’en débarrassent donc sans scrupule, en le balançant aux vautours. A proximité, le jeune Tim Bishop, un bagagiste pouilleux, est éjecté d’un train en marche, par le contrôleur du convoi ferroviaire au sein duquel il avait pris place en tant que passager clandestin. Tim avait béatement suivie à bord Margot de Garine, une élégante lady, subjugué par sa beauté (et son décolleté en dentelles). Or, une seconde à peine après son atterrissage douloureux dans la caillasse, le train freine en urgence, en raison d’une attaque de bandits mexicains. Les pistoleros dépouillent consciencieusement les passagers et s’apprêtent à violer la jeune lady (c’est dans l’ordre des choses)… Roublarde, celle-ci passe un pacte avec leur chef, Manolo Cruz. Elle lui promet une juteuse association de malfaiteurs, pour un coup fumant. Cupide, le chef lui laisse un répit, le temps qu’elle s’explique. Il l’emmène au sein de leur repaire, une hacienda en ruines, à quelques lieues de là. Ainsi, le soir venu, tandis que Manolo Cruz se laisse convaincre par le plan de Margot de Garine, Peck et Hoggaard observent la scène de loin à la jumelle télescopique. Ils repèrent aussi l’approche maladroite de Tim Bishop, qui les suivis jusque là…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ah qu’ils sont énervants, ces jeunes auteurs qui livrent un premier album de super haute volée. Wilfrid Lupano ne nous en voudra guère d’entamer notre petite analyse de sa nouvelle série, par son visuel épatant. Le dessinateur Paul Salomone montre en effet d’entrée de jeu une belle maitrise du mouvement, du détail et des cadrages. Très expressifs, ses personnages sentent bien la crapule pas lavée, et ses décors, la poussière de l’ouest sauvage écrasé de chaleur. Comble du bonheur, cette partition graphique emballante s’accompagne d’un scénario épicé, mitonné aux petits cactus. La découverte progressive de la problématique générale est une première jubilation. Car grâce au culot et au savoir-faire narratif de Lupano (l'homme qui ne scénarise pas que de la crotte et qui sait s'entourer de dessinateurs talentueux), on ignore assez longtemps ce qui motive tous ces protagonistes. Patibulaires mais presque, on les découvre tour à tour dans des situations bien folklos. La propension à camper des personnages pourris jusqu’à la moelle, engagés dans des incidences aussi peu maîtrisées qu’orthodoxes, fait fatalement penser à Le bon, la brute et le truand (le chef d’œuvre ciné de Sergio Leone), avec un soupçon des frères Coen… La verve caustique des dialogues est un second bonus enthousiasmant, surtout venant des répliques corrosives de notre lord vengeur. Enfin, les velléités entrecroisées et audacieuses de chacun s’imbriquent à merveille (ah si Margot savait ce qui l’attend…), pour un premier tome qui en garde encore pas mal sous les santiags. Jubilatoire, amigo !