L'histoire :
Ce con-là s’engueule une fois de plus avec sa compagne, Karine. Elle exige qu’il ramène enfin du pognon à la maison. Elle a l’âme capitaliste, que voulez-vous. Alors que lui, comme bien des cons, il est basé sur « l’idée de gauche ». De fait, s’il faut partir en quête de pognon, ça ne sera pas par idéologie, mais par amour. Pour Karine. Pour bien réfléchir à tout ça, il va au troquet. Tandis qu’il fume ses cibiches en buvant des petits blancs sur le zinc, il profite du véritable cinéma que fait, en salle, un client complètement bourré. Ce dernier se vante d’être bourré de thune, d’avoir des biftons plein les tiroirs de sa salle à manger. Et il paie tournée sur tournée pour le prouver. Quand il repart chez lui en titubant, notre ami le con le suit donc discrètement, à distance. Il n’a pas d’idée précise en tête, il n’est pas violent, mais il a quand même bien décidé de profiter un peu de tout ce pognon en trop. Arrivé à sa maison, dans un quartier sordide, le riche met du temps à réussir à ouvrir sa serrure. Le con attend un peu et puis pénètre à son tour dans la maison, en trafiquant la serrure. A l’intérieur, les ronflements du riche ivrogne sont particulièrement sonores. Le con a donc le champ libre. Il ouvre direct le tiroir d’une commode de la salle à manger : bourré de fric. Il n’a pas menti, c’est dingue. Il s’apprête à remplir un sac de biftons et à se barrer en douce, lorsque la lumière s’allume. Le riche se tient là, derrière lui, en peignoir, parfaitement affable et à l’écoute : il veut faire connaissance. Certes, mais avec un flingue dans la main…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a du Michel Audiard dans ce petit bijou de polar sordide et comique, qu’on imaginerait bien adapté en film ou en pièce de théâtre. Pour premier rôle, un con, un peu beauf mais poète, « basé sur une idée de gauche », dont on ignorera tout du long de ce one-shot le prénom. Physiquement, il ressemble au Coluche de Tchao pantin ou a Franky Baloney. Ce con se fait séquestrer et manipuler par une sorte de grand bourgeois pervers, visiblement plein aux as et mu par une mentalité de psychopathe retorse. Notre héros con alterne alors sans cesse entre le désir de s’enfuir, et celui de profiter des largesses du bourgeois. La soumission qu’il subit se teinte tantôt de syndrome de Stockholm, tantôt de peur panique, de celle qui vous fait faire des sacrées conneries ! Soit le privilège et le savoir-faire des cons. Si le lecteur peut régulièrement trouver la situation surréaliste, la pilule passe néanmoins très facilement en raison des nombreuses réflexions en encadrés narratifs, qui explicitent les mécanismes souvent fumeux de prises de décisions du con. Le suspens fonctionne admirablement sur la truculence et la surprise. On se demande bien comment tout cela va se résoudre… et le final jubilatoire reste d’une parfaite cohérence de ton ! Au scénario, Matthieu Angotti adapte en fait Le jardin du bossu, une œuvre de Franz Bartelt. Au dessin, dans un noir et blanc très charbonneux, sur un découpage strict de 3 cases horizontales par page – et tantôt une pleine page – Robin Recht parvient à mêler le caricatural au semi-réalisme, en osant parfois des macro-plans aux traits très épais. Amateurs de polars, de comédies, des Tontons flingueurs, jetez-vous sur cette farce rare !