L'histoire :
A la veille de la seconde guerre mondiale, l’anglais Charles Fagin débarque à Berlin, alors perturbée par les rafles de la gestapo sur la population juive. Lui-même juif, Fagin a en effet reçu un mystérieux courrier d’une jeune femme, Greta Thiel, qui prétend être sa fille et l’appelle au secours parce que sa mère a disparu. Charles a effectivement eu une aventure avec l’illusionniste Lili Thiel, 25 ans auparavant… Poussé par un sentiment nouveau de paternité, il a donc accouru. Sur le palier de Greta, il a pourtant la désagréable surprise de tomber sur son éternel rival, Bob Shylock. Lui aussi inspecteur à Scotland Yard, Shylock a reçu le même courrier, car lui aussi a partagé une aventure avec Lili, il y a 25 ans… Greta ignore tout simplement lequel des deux est son père et elle espérait que seul celui qui le saurait répondrait à son appel. Tout en se houspillant sans cesse, les deux hommes ont tout de même le plaisir d’évoquer ensemble leurs vieux souvenirs. Ils prennent une chambre commune dans une pension, ignorant encore qu’ils font l’objet d’une surveillance rapprochée par la Gestapo. Greta aurait-elle des intentions cachées ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette nouvelle trilogie italo-argentine entremêle espionnage et ésotérisme, à la veille de la seconde guerre mondiale. Tous supports de fictions confondus (films, romans et BD), la théorie du complot géopolitique est un registre attrayant, surtout si elle peut faire intervenir l’ésotérisme dans ses paramètres. Or, comme chacun le sait, Hitler s’était intéressé de près aux choses de l’occulte… De là à imaginer une Guerre des magiciens, il n’y avait qu’un pas (que Pécau a déjà amplement franchi à travers l’Histoire secrète ou Arcanes). Mis au point de concert par l’italien Roberto Dal’Pra et l’argentin Carlos Trillo, le scénario adopte pourtant ici un rythme quelque peu laborieux, s’appuyant sur nombres palabres et errances pour les deux héros. Leur rivalité sentimentale, qui devrait constituer un atout « vaudevillesque », appesantit plus la lecture qu’elle ne l’agrémente. En outre, s’il constitue la problématique de départ, le fond de magie passe carrément au second plan de l’intrigue, qui se reporte sur les filatures et les faux-semblants vécus par cet aréopage de protagonistes peu attachants. Le dessinateur vétéran Domingo Mandrafina (déjà compère de Trillo sur les 14 tomes des Spaghetti Brothers) déroule pourtant sa patte graphique maitrisée, rehaussé d’aquarelles… Peut-être les personnages sont-ils trop souvent cadrés de près et la limpidité de lecture y gagnerait-elle avec quelques « respirations » contemplatives ? De fait, le sentiment d’oppression est permanent et on peine pourtant à partager les tensions, à percevoir la portée ultime de l’enjeu. Les héros sont tout de même des juifs anglais plongés dans la civilisation antisémite berlinoise du IIIe Reich, alors que les imperméables de la gestapo et les croix gammées sont omniprésents. Espérons que la réplique « Je sens que le destin de cette guerre dépend de votre retour en Angleterre » permettra au prochain tome, Londres, d’insuffler la tension requise…