L'histoire :
De nos jours, dans un village, Paco cherche un dénommé Miguel Ruiz, 94 ans. Il souhaite écrire un truc sur les espagnols qui ont combattu le fascisme lors de la dernière guerre. D’abord réticent à se livrer, l’homme finit par raconter son histoire. Tout commence au port d’Alicante, le soir du 28 mars 1939. Des familles se sont amassées sur le quai pour quitter la ville, une valise à la main. Ils attendent le cargo Stanbrook pour fuir avant l’arrivée des franquistes qui ont déjà conquis Valence et Cartagène. Quand le bateau accoste, c’est une véritable cohue. La foule afflue en masse sur la passerelle, certains se jettent à l’eau pour s’accrocher à l’ancre. Une fois que le bateau a fait le plein avec 3 000 réfugiés à son bord, il prend la direction d’Oran, en Algérie Française. Malheureusement pour eux, la France ne veut pas les accueillir, car le gouvernement français vient de légitimer le gouvernement de Franco. Qu’est-il advenu des 15 000 personnes qui n’ont pas pu monter à bord dans le port d’Alicante. La plupart on été tuées, sous les balles des fascistes espagnols et italiens...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir exploré l’univers de l’absurde avec Les rues de sable et le thème de la maladie d’Alzheimer par le prisme de l’humour avec La tête en l’air, Paco Roca nous surprend une nouvelle fois avec la Nueve. Ce roman graphique épais de 336 pages est consacré à un épisode méconnu de l’Histoire. À travers l’échange entre un jeune écrivain qui cherche à exhumer une histoire enfouie et un vieil homme déraciné au crépuscule de sa vie qui cherche à oublier, Roca construit pas à pas un récit fort en émotions. La technique narrative de l’interview, maintes fois utilisée, place le lecteur au cœur de cette aventure hors du commun. Celle d’un homme que l’Histoire oblige à s’exiler, rejeté par sa terre d’accueil et devenu un héros anonyme. Graphiquement, on est bien dans du Roca : son univers onirico-réaliste teinté d’humour se traduit par un trait simple et lisible. On ne perd pas une miette de l’aventure de Miguel Ruiz. Côté couleur, il a l’art du contre-pied : le passé est illustré en couleur et le présent en sépia et noir et blanc. Roca nous livre une œuvre très personnelle, qui touche nos cordes sensibles avec justesse, tant et si bien qu’on a l’impression de lire du Davodeau !