L'histoire :
Lorsque Jean essaie de faire manger son père Ernest, alité et atteint de la maladie d’Alzheimer, ce dernier le prend pour un client de la banque dont il a été directeur bien des années auparavant. Cette fois-ci, c’est décidé, il n’est plus possible de le garder à la maison : Ernest est placé dans une maison de retraite. C’est terrible : il est suffisamment malade pour nécessiter ce placement mais pas assez pour ne pas en ressentir une profonde humiliation et un désarroi sans nom. Seul face à une maladie incontrôlable, déstabilisante pour lui-même, Ernest a l’impression d’avoir 6 ans et d’intégrer une classe d’école d’une grande austérité. Il se fait pourtant immédiatement un copain, Emile, son voisin de chambre (par deux, c’est moins cher). Hormis une fâcheuse tendance au racket ( ! avec courtoisie…), Emile s’avère un compagnon plutôt agréable. Il lui fait visiter l’hospice, de la salle télé où s’entassent des petits vieux somnolant, jusqu’au salon… où s’entassent des petits vieux somnolant. Déprimant. Mais Ernest n’a encore rien vu : il y a aussi l’escalier qui mène au premier, redoutable. Car en haut, c’est l’étage des assistés, les vrais séniles qui ne peuvent plus se suffire à eux-mêmes. Plutôt mourir que finir là-haut…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet ouvrage, déjà édité en 2007 au sein de la collection Mirages sous le titre Rides (peu engageant ?) connait aujourd'hui une réédition sous l'appellation de La tête en l'air. Car entre temps, Ignacio Ferreras en a adapté un film d'animation truffé de récompenses (Arrugas) qui sort en janvier 2013 sur les écrans français. Décidément, cette collection sait traiter avec pragmatisme et humanisme des thèmes d’ordinaire tabous (la pédophilie avec Pourquoi j’ai tué Pierre, la misère sociale des Âmes sombres...). Paco Roca s’est attaqué à un sujet on ne peut plus austère : la maladie d’Alzheimer et la dégénérescence due à l’âge. Hep hep hep… je vous vois prêts à cliquer ailleurs ! Il faut pourtant vous habituer : on est tous plus ou moins destinés à finir comme ça ! En outre, si Roca aborde ce sujet de manière frontale (la scène d’intro, gloups, est d’emblée bien explicite), il sait le faire avec humour. La grande force de son récit est d’alterner la réalité et l’interprétation qu’en ont parfois les patients qui perdent pied. C’est tantôt dramatique, tantôt drôle, mais toujours juste, humain, émouvant. Le personnage d’Emile, plus cleptomane que grabataire, ajoute beaucoup de légèreté à ce récit qui aurait eu mille raisons de sombrer dans le pathos. A l’aide d’un trait simple, d’une mise en scène lisible, Roca ne cherche pas à nous livrer une quelconque fiction emprunte d’espoir et assume l’inéluctable. Il n’y a pas de mystère : on sait tous comment cela finit. Une lecture indispensable, hélas.