L'histoire :
Mai 1998. Fabrice a 29 ans. Le bloc de l’Est s’effondre peu à peu en Europe, mettant progressivement fin à la Guerre Froide. Le déclin de l’idéologie communiste a débouché sur une conversion massive des pays au libéralisme. Entre l’apparition des ordinateurs personnels grand public et Internet, les guerres continuent dans le monde, notamment au Kosovo ou en Afrique. Dans la vie de Fabrice, les choses ne sont pas roses. Sa grand-mère est morte deux ans auparavant d’une crise cardiaque dans sa maison de retraite et le cancer du sein de sa sœur s’est mué en cancer des os. Malgré des attelles et un corset pour recalcifier les os, les métastases osseuses gagnent du terrain... De son côté, le jeune auteur vient de publier les deux premiers tomes de son Journal et il a reçu un premier prix pour son œuvre. Mais Fabrice se sent grippé depuis quelques temps. Il enchaîne les angines, bronchites et même la varicelle. En cette période d’hécatombe de malades du sida, il décide de se protéger, quitte à en faire trop pour ses différents partenaires. En effet, avec le cancer de sa sœur et son propre état de santé, Fabrice s’est auto-convaincu qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. Heureusement, à cette époque, l’État a mis en place des centres de dépistages gratuits du VIH et IST. Pour se rassurer, Fabrice n’hésite pas y aller plus de 10 fois par an. Parallèlement, le soir, il continue d’arpenter le parc pour y rencontrer des hommes...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne peut pas dire que Fabrice Neaud fait les choses à moitié. Ainsi, après avoir sorti son Journal (plus de 800 pages) qui couvre les années 1992 à 1996, le voici de retour avec le premier volet du Dernier Sergent. Cette fois, l’autobiographie de l’auteur se déroule sur les derniers mois à la veille de l’an 2000. On y suit un artiste frustré par sa condition, en recherche permanente d’amour dans une société où l’homosexualité n’est pas encore bien acceptée. Ainsi, c’est au détour d’histoires fortes, furtives, fantasmées ou tout simplement crues, que l’auteur (re)met ses souvenirs en avant afin de donner un éclairage sur son Moi d’antan. Du côté des graphismes, Neaud opte pour des dessins travaillés et efficaces, tout en encrage noir et blanc. Mais c’est le découpage qui attire particulièrement le regard, avec le choix de mettre en place 9 cases par page, de façon à mettre en scène ses propres souvenirs de manière claire. Cependant, l’homme n’hésite pas à casser ce rythme en optant parfois pour des cases plus grandes, doublées, etc. afin de prendre le lecteur à revers et mettre l’accent sur des évènements importants de sa vie. Au final, cette œuvre autobiographique racée, parfois crue, met la lumière sur le désarroi social et sentimental d’un homme qui cherche à vivre dans une société hétérosexuelle normée dont il est difficile de s’affranchir des codes. Fabrice Neaud délivre un récit fort qui donne à réfléchir.