L'histoire :
Serge va mal… Il ne sort plus du blockhaus dans lequel il s’est installé avec son frère Hubert depuis quelques mois. Sa seule obsession : élever des poissons. Malgré les efforts qu’il déploie en alimentant l’aquarium de l’eau qu’il puise directement dans l’océan, les petites bestioles ne survivent pas : l’adaptation des poissons d’eau douce au sel marin n’est décidemment pas pour demain… Alors, Serge chasse sa déception en écoutant inlassablement un vinyle du Velvet Underground. Mais ni l’humour et l’attention de son frère cadet, ni les souvenirs heureux de son enfance en famille ne l’empêchent de sombrer peu à peu. Serge est à la dérive depuis qu’il gobe à tout va des petits bonbons en forme d’étoiles : un puissant toxique qui le ronge à petit feu, l’isolant par là-même du reste du monde. Un point commun qu’il partage, d’ailleurs, avec son père, infiniment seul depuis que ses fils ont quitté le navire au risque de se noyer. Il y a juste Nic, sa petite amie, qui passe encore au blockhaus, mais pour combien de temps ? Surtout si elle découvre que dans un acte irraisonné, il a noyé son chat… Pour l’heure, c’est Hubert, le cadet, qui est chargé d’aller faire les courses pour son ainé : quelques étoiles à repêcher dans les filets d’Ouahid, le dealer. Une corvée qui l’emmerde au plus haut point et pour ne pas être le seul à être emmerdé, il pique les piles de l’électrophone de son frangin…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fidèle à la thématique de la collection Mirages, ce nouvel ouvrage se propose d’explorer à son tour les méandres des relations humaines. Une approche sous forme de fiction, même si elle s’inspire très largement (selon Arnaud Floc’h himself), d’une période de la jeunesse du scénariste : à la fin des seventies, à Brest, où il vivait avec son frère les mêmes dérives que ses « héros ». L’intrigue fluide nous entraîne dans le sillage de deux frangins, petits voyous pas trop méchants, dont le destin semble lié à la toxicomanie, qui perd petit à petit l’ainé. Bardé de bonnes intentions, le récit se désagrège pourtant dans l’atmosphère pesante et étrange créée par les errements des personnages principaux. Le tout surmonté du handicap de nous imposer une tranche de vie sans fournir une once d’explication : rien sur les raisons qui ont poussé les frères hors de chez eux, rien sur le comment de la plongée de Serge qui semble en apnée depuis bien longtemps… Au final, le grand absent du récit (ou tout au moins celui qui n’ose pas trop se montrer), c’est l’amour, qui pourtant semblait devoir voler la vedette à toutes les autres émotions : l’amour fraternel, l’amour filial, l’amour passionnel… Le seul « héros » à pouvoir ramener à la raison (et qui y parvient) les oisillons tombés du nid. Le trait charbonneux, austère et minimaliste de Thierry Murat souligne parfaitement le malaise qu’Arnaud le Floc’h a créé. Car ne soyons pas naïf, il s’agit bien là d’une démarche artistique choisie qui privilégie une approche underground de la poésie, en lieu et place d’émotions simples et convenues. Reste ensuite aux lecteurs d’y adhérer…