L'histoire :
Une flèche blanche vers le haut se distingue progressivement en grossissant dans l’obscurité. Cette flèche est en réalité un trou de serrure pour une porte devant laquelle se trouve un homme. Trench-coat, chapeau et valise à la main, celui-ci regarde par le trou et décide d’ouvrir la porte. Il se retrouve dans ce qui ressemble à un désert : une étendue infinie blanche et plate. La porte se referme derrière cet étrange voyageur. L’homme abandonne derrière lui cette porte surréaliste posée au milieu du désert, pour avancer devant lui, une lumière rasante tapant sur son flanc droit. Soudain, il se retrouve devant un panneau indicateur. Celui-ci porte 7 flèches indiquant chacune une direction différente. L’une d’elle se décroche au moment pile où il reste circonspect. En tombant sur le sol, elle indique une unique direction. Cela solutionne l'embarras de l’homme : il l’emprunte. Plus loin, c’est un gigantesque monolithe enterré qui lui indique une autre direction, vers la gauche. Discipliné, l’homme part donc à gauche. Son pied bute alors contre une petite pyramide dépassant du sol… l’homme creuse tout autour et après d’immenses efforts, il exhume une porte en pierre, de la forme d’une… flèche. Il la pousse et accède, en glissant avec le sable à l’intérieur, à une immense salle vide. Dans un coin, sur le mur, une petite flèche noire. L’homme la suit : un étroit passage est accessible entre les parois. Mais sa valise raccroche : forcément, elle a une forme de… flèche.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est malin, Marc-Antoine Mathieu ! A chaque album on se dit qu’il a fait le tour du questionnement métaphysique en bande dessinée… et pourtant, à chaque album, il se réinvente, trouvant un biais original pour faire divaguer les questions absurdes et/ou insolubles de l’être humain. Cette fois, à l’instar de son récent Décalage, un homme sans nom, dénué d'expressivité faciale et muet, emmène tout d’abord le lecteur dans un désert infini (l’infini : première question majeure de l’humanité). Celui-ci s’y livre à un « bête » jeu de piste, c’est à dire dirigé par une succession de flèches qui se relaient par ricochet. Or soit ces dernières se détachent de son décor de manière astucieuse, soit ce sont les voies empruntées qui se détachent, souvent de manière non-sensiques (à la manière d’un tableau de Maurits Cornelis Escher). Quel paradoxe ! Une voie non-sensique pour un bouquin qui s’appelle Le sens ? Or justement, ce bouquin ne s’appelle pas. L’éditeur l’a ainsi baptisé, car il faut bien le répertorier avec les outils concrets de notre langage. Bref, notre héros passe les quelques 256 pages de ce bouquin à chercher un sens à sa vie (deuxième question majeure de l’humanité), parcourant des décors dépouillés, mathématiques, surréalistes, se confrontant à des phénomènes optiques originaux. Si vous êtes paumés, il y a même un plan plié en 12 au milieu du bouquin. Selon un procédé « d’écriture automatique », selon l’ambition de recherche fondamentale proposée par l’Oubapo (Ouvroir de bande dessinée potentielle), Mathieu jongle ainsi une fois encore avec les concepts de temps, d’espace, de grand tout et de minuscule rien. Ne cherchez pas d’autre sens à ce Sens que la complicité pour un jeu astucieux avec les codes graphiques et narratifs de la bande dessinée. Un OVNI de plus au sein de la bibliographie d’un auteur décidément… à suivre !