L'histoire :
Krespel, conseiller très excentrique passionné de violons (collectionneur, il les déconstruit et en joue), s’est bâti une solide réputation de juriste grâce à l’écriture d’un mémoire traitant des prétentions territoriales de la cour impériale. En récompense des services rendus, le prince lui offrit de prendre à sa charge les frais de construction d’une maison que Krespel ferait bâtir à son image : monumentale et imposante. C’est à Pianura que Krespel fit construire son étrange bâtisse. Celle-ci est en effet dépourvue de logique de construction et offre au visiteur un spectacle insolite : les escaliers, les fenêtres, les sols présentent de nombreuses distorsions conférant à l’ensemble un aspect labyrinthique. Originale, singulière, la maison du conseiller suscite l’admiration et le respect de tous les habitants du village. Encore plus lorsque s’élève des fenêtres une voix enchanteresse, celle de la belle Antonie. Mais, un beau jour, Krespel enferme Antonie et lui interdit de chanter à nouveau. Pourquoi un tel acharnement de la part d’un homme qui a, semble-t-il, basculé dans la folie ? Quel terrible secret détient-il ? Piqué dans sa curiosité par le conseiller, un homme va tenter de percer le mystère entretenu, bien malgré lui, par le conseiller…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
E.T.A Hoffmann, écrivain de langue allemande, s’est rendu célèbre au XIXe siècle en inaugurant une nouvelle mode littéraire, celle du conte fantastique. A l’époque, il inspira aussi bien les écrivains (notamment français, comme Théophile Gautier) que les compositeurs. A cet égard, Les Contes d’Hoffmann, le célèbre opéra d’Offenbach, est aujourd’hui l’un des plus représentés dans le monde. La publication de cette adaptation chez Delcourt permet de faire connaître ce conte ignoré. Tommy Redolfi, en « chef d’orchestre complet » (il est ici dessinateur et scénariste), adapte avec habileté ce conte étrange. La qualité de cet album réside dans la capacité de l’auteur à traduire la dimension fantastique du texte originel. Incarnant cet esprit, la maison du conseiller se révèle complètement biscornue, farfelue et absurde dans sa réalisation (attention, haut-le-cœur probable). Sans doute n’est-elle que le prolongement du caractère et de la psychologie de Krespel. Le dessin de Tommy Redolfi suscite par ailleurs l’effroi et distille un sentiment d’angoisse permanent. Le trait, parfois nerveux et torturé, met en évidence la folie et le tragique de ce conte, à travers les rires et sourires carnassiers des personnages. Le lecteur devine et sent le désespoir dans lequel a sombré le juriste. Excentrique au début, pris pour un fou ensuite, Krespel finit par devenir attachant, le lecteur comprenant que le personnage semble maudit et dépassé par les enjeux de la relation le liant à Antonie. Le cynisme affiché par Krespel n’est en fait que le masque protecteur lui permettant de survivre à ce terrible destin. Si le graphisme traduit bien l’esprit du texte, la narration, en revanche, se révèle parfois trop rapide, trop fuyante et certaines planches sont un peu confuses. L’ensemble, empreint de lyrisme, manque parfois de cohérence. Mais frissons et poésie vous tiendront néanmoins en haleine dans ce conte divertissant.