L'histoire :
Un jour de 1945, son frère aîné la traînait dans une carriole dévalant les rues du village, jusqu’à la place de l’église. Là, les gens en liesse fêtaient le drapeau tricolore : c’était la Libération ! Son premier souvenir confesse-t-elle à son fils, presque 60 ans après. Marie-Jo est née à Chaudron-en-Mauges, 3 ans plus tôt. Les Mauges, c’est cette région vallonnée qui couvre le quart sud-ouest du Maine-et-Loire. « Naître ici », c’est être fier d’habiter un pays qui se souvient encore avec fierté du soulèvement révolutionnaire vendéen. Un pays religieux et farouche mais aussi dense et actif. Certains historiens mal intentionnés avancent que l’appellation viendrait de la contraction de « mauvaises gens ». 1942, c’est aussi l’année de naissance de Maurice à 3 km, Botz-en-Mauges. Maurice, lui, se souvient encore avec tendresse d’un type original, appelé Alfred. Original parce que syndiqué et qu’à sa mort son cercueil avait rejoint le cimetière sans passer par l’église : une hérésie ! Issus de familles ouvrières très modestes, Marie-Jo et Maurice reçurent une stricte éducation catholique, auprès du curé ou au couvent, jusqu’au beau jour de leur adolescence où l’un entra en apprentissage et l’autre à l’usine…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La couverture « terre » ne paye pas de mine. Un titre, dont on comprend rapidement le caractère ironique et provocateur, y figure pris entre deux feux : l’Eglise et l’Usine, les deux potentats locaux. Puis, le regard s’attarde sur le sous-titre encadré : une histoire de militants ! On reproche parfois à l’Histoire d’être désincarnée (hors des grands personnages « sanctifiés »). Au travers des mémoires publiques de ses parents, Etienne Davodeau signe un œuvre engagée, forte et iconoclaste. De leur prime enfance à l’élection du socialiste François Mitterrand à la Présidence de la République en 1981, Marie-Jo et Maurice se défendent de n’avoir rien fait de plus que les autres. Ouvriers militants et croyants, leurs convictions peuvent évidemment prêter à discussion, mais elles respirent la sincérité, inspirent le respect et prennent valeur d’exemples. En effet, la force de cette « BD-reportage » (une expression en vogue à Angoulême 2006, où son auteur reçut les prix du public et du meilleur scénario) ne réside pas dans un habillage dépouillé et un graphisme simple mais néanmoins très expressif. Les apparences s’effacent pour donner plus de poids au propos encré en réalités : choix religieux, économique ou politique, le monde est à ceux qui croient et espèrent en l’avenir. « Engagez-vous ! », aurait-on pu conclure. Au-delà du dessin « anecdotique », secondaire, Les Mauvaises gens s’inscrit tout bonnement dans la veine de S.O.S. Bonheur, le chef d’œuvre utopique signé du grand Van-Hamme…