L'histoire :
Vincent, la trentaine, habite dans une cité populaire où il traîne son mal de vivre. Lors d’un échange téléphonique avec Rana, la mère de son enfant qui vit au Sénégal, il lui fait la promesse de jours meilleurs, lui assurant qu’il va prochainement les rejoindre. Après avoir raccroché, désabusé, il va dans un bar retrouver son compagnon d’infortune, Gaby Rocket. De son vrai nom Gabriel Roquet, ce chômeur de longue durée, au look des années 60, voue une admiration sans borne à l’Amérique de Dick Rivers et de Johnny Hallyday. Générateur d’embrouilles, grande gueule, proférant des insultes à tout bout de champ, Gaby devient rapidement tricard dans les lieux qu’il fréquente. Après une nouvelle virée animée, les deux compères se retrouvent dans un appartement pour préparer leur projet : un braquage à but lucratif... Depuis un mois, tous les matins, Vincent va en effet prendre son café au comptoir d’un bistrot. Il y croise Bernard, un convoyeur de fonds : ce dernier sera le ticket pour les tropiques des braqueurs en herbe…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après moult pépites, Wilfried Lupano inscrit un nouveau titre à la liste des albums incontournables du 9ème art. Ici, deux losers à l’existence médiocre échafaudent un projet de braquage sans violence. Ces robins des bois des temps modernes comptent redistribuer une majeure partie de l’argent qu’ils vont récupérer avant de quitter la France pour s’installer en Afrique. Bien évidemment, quelques grains de sable vont perturber leur plan presque parfait. Cette fiction, inspirée d’anecdotes que Wilfrid Lupano a vécues ou entendues quand il travaillait dans le monde de la nuit, est avant tout une chronique sociale. Vincent livre le récit de son parcours personnel, de ses tourments, de son histoire de famille, de son sentiment de ne plus se reconnaître dans les valeurs la société actuelle : un ensemble de facteurs qui vont le conduire à commettre ce braquage pour fuir son quotidien. Son associé est un personnage haut en couleurs qui incarne le « beauf » dans toute sa splendeur : banane défraichie, santiags, R12 jaune poussin, etc. Malgré sa vulgarité, ses propos homophobes et racistes qui s’avèrent être une carapace, il peut se montrer sensible et humain. Cette association de malfaiteurs amateurs donne lieu à des situations des plus grotesques. Rodguen dessine ici son premier album en BD : issu du monde de l’animation, il travaille depuis plus de 15 ans pour la compagnie Dreamworks. Cette expérience lui permet d’avoir beaucoup d’aisance pour insuffler du rythme au récit : son trait vif donne à ses personnages de l’expressivité. La mise en couleur est réalisée par Ohazar qui n’est autre que le frère du scénariste. L’ensemble de ces ingrédients aboutit à une histoire très touchante, dans laquelle Lupano a mis beaucoup de sa personne.