L'histoire :
19 juin 1936. La foule se presse au Yankee Stadium de New York pour assister au combat de boxe qui oppose Max Schmelling, le « Uhlan noir du Rhin », à Joe Louis, le « Bombardier Noir ». Pour l’occasion, Charles « Lucky » Luciano a réservé tout une rangée de fauteuils au premier rang. Il n’assistera pourtant jamais au combat. La raison : l’implacable piège tendu par le procureur Tom Dewey qui s’est juré d’en finir avec l’empereur du crime organisé new-yorkais. La tache n’est pour autant pas facile. Depuis 15 ans, en effet, le mafieux a parfaitement tout verrouillé en multipliant intermédiaires et fusibles pour qu’on ne puisse jamais remonter jusqu’à lui. La solution que trouve le magistrat se présente à lui de manière inattendue : grâce au concours d’Eunice Carter, un procureur de district adjoint, il plante ses crocs dans la jugulaire du soi-disant « Maitre de New York » via le réseau de prostitution de la cité. Ainsi, profitant des informations de sa collègue, il organise une grande descente qui prend dans ses filets plusieurs individus depuis longtemps identifiés comme faisant partie de l’équipe de Luciano. Un fil vient d’être dénoué de la pelote, Dewey n’a plus qu’à tirer dessus. Et c’est exactement ce qu’il commence à faire, en multipliant les interrogatoires, jusqu’à avoir suffisamment de « biscuit » pour faire comparaitre le pas si « Lucky »… et le priver de boxe pour longtemps.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Paradoxalement, ce 6e chapitre est peut-être bien le mieux ficelé de toute la série. En tous cas, il est incontestablement le plus digeste, voire le plus captivant. A nouveau, le traitement « documentaire » du récit est de mise, mais ici plus encore que pour les autres opus, toute velléité d’action est réduite à néant. On assiste, en effet, des premières aux dernières pages au récit du procès du célèbre Charlie « Lucky » Luciano. Ainsi, contrairement aux fois précédentes (où la biographie du gangster s’étirait de la prime enfance au trépas), c’est uniquement le dernier segment de la vie du fameux mafieux qui est mis en scène. Sa chute est simple mais impeccablement orchestrée : avec poigne et théâtralité, en la personne du célèbre procureur Dewey. Finalement, c’est peut-être bien ce dernier personnage qui est le véritable héros. Déjà souvent évoqué dans les opus précédents, le bonhomme prend ici, avec force, sa véritable dimension. Pas de meurtres en cascade, pas de coup de feu, pas de conciliabules feutrés, mais le verbe aiguisé d’un procureur, une salle d’audience imposante et le défilé de témoins à charge : une machine huilée pour faire tomber, sous prétexte de proxénétisme, le « Capo di tutti Capi » qui au final écopera de 30 à 50 ans d’emprisonnement. Et pourtant, malgré ce contexte encore plus statique qu’à l’accoutumé, on se trouve rapidement happé par la stratégie mise en place, captés par la démonstration du procureur Thomas Dewey. Les dialogues huilés, la réduction des protagonistes, l’absence d’un entrelacs complexe d’événements y sont pour beaucoup. De son coté, Erwan Le Saëc s’escrime comme un beau diable pour animer cet ensemble immobile. Il y parvient d’ailleurs pas trop mal, en utilisant par exemple une large palette de cadrages. Ce chapitre de l’histoire mafieuse est, en tous cas, composé intelligemment. Et il redonne même un judicieux petit coup de fouet à la série.