L'histoire :
Pierre de Brume s’en revient des croisades, percé de flèches et sans un souffle de vie… jusqu’à ce qu’une sorcière le ramène d’entre les morts pour que son destin se poursuive. Il retrouve alors le brouillard opaque d’un monde qu’il croyait avoir quitté, baigné de violence et de misère. Ce jeune homme taiseux, forgé dans la douleur et les privations, s’opposera tour à tour à son père, à son passé et à tous ceux qui semblent vouloir tisser son destin, en quête d’une liberté inatteignable. Il se débattra au milieu de cette fourmilière de désuétude qu’est devenu son pays, au milieu de tous ces gens qui luttent pour survivre, au milieu de ces légendes qui hantent ces forêts et de la magie incomprise qui les entoure. De la guerre lointaine à son donjon maussade, de la noblesse déchue au brigandage entre amis, des rues pavées de mauvaises intentions aux ombres protectrices de la forêt de Malvern, Pierre et son entourage ne cesseront d’avancer sur un échiquier dont ils ne maîtrisent pas la finalité, héritiers, non pas d’un royaume, mais bien de la violence de leurs pères.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il ne s’agit pas là d’un énième classique de l’heroic fantasy, ni d’un nouveau pamphlet médiéval sur la bravoure. Il faut quelques pages pour bien rentrer dans le récit, et encore quelques-unes pour commencer à entrevoir les enjeux qui se cachent derrière les visages éteints de ses protagonistes. Les flashbacks sont astucieusement dilués dans l’histoire, permettant au lecteur de progressivement mieux cerner ce qui anime ces personnages. Val de Brume, Griserive, Havre Obscur… autant de lieux qui viennent ajouter de la morosité à l’ambiance grisâtre de cette bande dessinée voulue par son auteur. Sylvain Ferret signe ici la confirmation d’un talent constaté sur ses précédentes œuvres, notamment Talion où déjà le travail sur la couleur permettait une immersion totale dans l’époque. Un dessin au trait précis, une mise en scène mystérieuse nimbée de brumes et de secrets, des forteresses savamment dressées, des villages usés par le temps... toute une atmosphère cendrée où la couleur vient presque jurer avec le scénario sombre qu’elle illustre. Un décor médiéval propice à l’hégémonie de la violence, une histoire qui se dévoile patiemment et au milieu de ce maelström de non-dits, deux âmes éprises de liberté, empêtrées dans les fils d’un destin qui les dépasse. Fuyant délibérément les facilités scénaristiques généralement associées à ce genre de littérature, l’auteur délaisse le manichéisme attendu pour nous entraîner dans un tourbillon d’aspirations plus difficiles à jauger. Aucun personnage n’est tout noir ou tout blanc. Point de héros valeureux, point de tyran sans morale et nulle gente dame en détresse. C’est dans une subtile palette nuancée de gris que viennent se bousculer les castes d’un monde où chaos et liberté ont parfois tendance à rimer.