L'histoire :
Tohar vit en Israël. Là-bas, la chaleur est écrasante, elle préfère le froid et la grisaille. Elle sait que la chaleur ressentie n'est pas le seul cadre qui lui permet de ressentir sa chaleur intérieure. Les années passant, Tohar a compris que la chaleur étouffante de son pays, en termes de souffrance, n'était rien en comparaison de l'absence de chaleur humaine. Elle s'est toute sa vie demandée pourquoi les gens n'étaient pas plus chaleureux. Cette question n'a cessé de croître, entraînant une attitude introvertie et de méfiance envers les autres. Pourtant, au fond d'elle, elle espère qu'elle réussira à donner la chaleur à ceux qu'elle aime, un jour. Et ce jour-là, elle est décidée à partager cette chaleur, à laisser son âme partir en vadrouille. Elle se présente chez son ami Gaï. Ils s'assoient l'un en face de l'autre. Elle est assaillie de questions silencieuses, se demande qui elle est. Gaï lui demande ce qu'elle ressent, ce qu'elle veut. Elle ne sait pas. Que veut-elle dire ? Elle veut être vue, entendue, exister. Mais le silence demeure. Alors il lui propose une expérience pour l'aider à s'exprimer et à dénouer les nœuds en elle, pour qu'elle se confie sur ses angoisses, ses peurs. Il lance un enregistreur. Il n'intervient pas. Elle est libre de parler, de ce qu'elle veut. Elle se lance alors dans un monologue et déroule le fil de ses pensées et de sa vie.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir publié un très bon premier album Les filles sages vont en enfer, Tohar Sherman-Friedman propose ce second titre lui aussi autobiographique. Dès les premières pages nous sentons une évolution, et en même temps une continuité par rapport à sa première bande dessinée. L'autrice israélienne poursuit son introspection à travers le neuvième art, cette fois en libérant sa parole de toutes les angoisses qui l'assaillent, en abordant ses pensées intimes. Si le premier volet était davantage centré sur son rapport à la religion, elle s'ancre ici dans des thématiques contemporaines, générationnelles et existentielles. Elle évoque la manière dont elle a vécu la crise du COVID, son envie d'avoir un enfant, sa relation avec son conjoint, son rapport aux nouvelles technologies. Elle découpe son album en plusieurs chapitres, qui sont une multitude de petites histoires, d'anecdotes. Dans son monologue, elle parle d'une situation, qui lui permet d'évoquer un autre moment de sa vie. Ce qui est vraiment intéressant, c'est de pouvoir s'identifier à son personnage, à elle. Car même si les lecteur-ices francophones n'ont pas la même culture, le même mode de vie que Tohar, ils se retrouveront aisément dans nombre témoignages. La maturation est également graphique, notamment quant à la gestion de la palette de couleurs, parfaitement maîtrisée, s'accordant aux émotions ressenties. L'autrice ne s'interdit rien, même dans ses compositions de pages. Cette BD se place au plus proche des sentiments, retranscrits en dessin. Une véritable réussite.