L'histoire :
Lolo est en train de griffonner sur un bout de papier le plan de sa maison. Elle ajoute une pièce sur le schéma : des WC. Et elle lève la tête vers ses cartons, dans lesquels trône une casserole. Elle secoue la tête lorsqu'un souvenir remonte et regarde d'un air triste l'ustensile de cuisine. Pour comprendre ce qu'elle ressent à ce moment-là, il faut replonger en arrière, dans son enfance. Lolo vivait dans une famille de motards. Elle les accompagnait, frôlant toujours la mort, car le moindre écart à moto ne pardonne pas. Son père et sa mère savaient très bien contrôler la mort. Lolo et sa sœur ont donc appris très jeunes à serrer les fesses. Lolo se sentait invincible lorsqu'elle montait sur une moto. Enfant, elle était insouciante, confiante. Mais lorsqu'est arrivé la période du collège, tout a changé et les premiers soucis sont arrivés. Elle a un jour surpris une conversation entre ses parents dans la cuisine. Son père se demandait si sa fille n'était pas un peu conne et il en arrivait à la conclusion qu'on ne peut pas faire que des enfants géniaux. Sa mère était moins catégorique : si elle l'aide dans ses devoirs, elle pourra s'en sortir. Quand elle veut, elle peut. Et puis, elle a un atout : elle est jolie. Au collège, tout le monde la trouvait bizarre. Elle ne s'intègrait pas du tout. Elle se faisait remarquer, elle jouait à la fille bête. Lolo avait pourtant une chose qui lui occupait l'esprit : les garçons. Surtout Bastien Larue.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour cette nouvelle BD, Eleonore Costes (La soutenable légèreté de l'être) est accompagnée par la dessinatrice Aria. Elle nous livre un récit pudique et intime qui revient sur son parcours personnel et sur sa construction à travers le regard des hommes. Depuis l'enfance, c'est ce regard qui pèse sur elle et qui la façonne. Le regard de son père, d'abord. Puis le regard de ses petits amis, aux remarques déplacées. Enfin, le regard des hommes du milieu professionnel dans lequel elle évolue, qui abusent d'elle et de son corps. Dès les premières pages, on sent une grande fragilité, qui s'explique notamment par les commentaires qu'elle reçoit à longueur de journée. Elle finit elle-même par se dévaluer. Et puis, il y a les abus, une maîtrise de son corps par les hommes qui l'entourent, un patriarcat omniprésent qui l'empêche d'être elle-même. Le titre de l'album illustre d'ailleurs très bien le rôle qu'on lui attribue, et duquel elle a du mal à se détacher. La dureté des épreuves qu'elle traverse est contrastée par le dessin rond et très mignon d'Aria. Les couleurs sont douces, les personnages sont attachants. Ils semblent sortis d'une bande dessinée jeunesse. Les autrices réussissent à trouver un équilibre, pour dire la vérité avec une certaine douceur. Le récit d'une femme qui a choisi de tracer son propre chemin, en s'extrayant du regard péjoratif des hommes.