L'histoire :
A sa nomination comme Ministre de l’Economie en août 2014, Macron cite Oscar Wilde qui a « l’impression de s’être trompé » lorsque les gens sont de son avis. Son histoire débute en 1977, avec l’enfance et l’adolescence d’un fils de la bourgeoisie provinciale. Ecole privée catholique, vacances aux sports d’hiver et au soleil, le jeune Emmanuel Macron est déjà éloigné des préoccupations du vulgum pecus. Il rencontre Brigitte, de 24 ans son aîné, au cours de théâtre pour lequel il écrit avec elle une adaptation de la Comédie du langage, de Jean Tardieu. Une vidéo de l’époque le représente en épouvantail, bras écartés, durant la représentation. Terminale à Paris, au lycée Henri IV, deux échecs à Normale Sup, puis HEC, sciences Po et l’ENA. En 2004, il intègre la prestigieuse Inspection des finances où le directeur, Jean-Pierre Jouyet, futur secrétaire général de l’Elysée sous François Hollande, le prend sous son aile. Il refuse la proposition de Laurence Paraison au MEDEF pour accompagner Jacques Attali en 2007 à la commission pour la libération de la croissance française, où il commence à se faire un carnet d’adresse cinq étoiles…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout réussit à David Chauvel. Scénariste prolifique d’excellentes séries comme Robilar ou le Maistre chat, Wollodrïn ou Sigrid, il édite aussi des one-shots à succès (Comme Prima, L’homme Gribouillé). Alors qu’il réussit avec talent et un merveilleux humour caustique dans la fiction, il s’est lancé avec Respublica dans une enquête au long cours sur les années Macron, marquées par les rassemblements des gilets jaunes et un grand nombre de débordements des forces de l’ordre. Avec une grande humanité, Chauvel donne la parole aux mutilés, Vanessa, Alain, d’autres, victimes collatérales ou agressés par des policiers en perte de repères. Ces hommes, comme vous et moi, racontent leur vie, misérable, leur bonheur de partager des inquiétudes et des espoirs collectifs, et les évènements qui ont brisé encore plus une vie fragile. Tous les actes des gilets jaunes sont évoqués, décortiqués à froid, remis en contexte. C’est d’une grande richesse, d’une terrible âpreté aussi. Certaines séquences sont dures à lire. Les faits sont terrifiants et laisseront un goût amer dans la bouche des lecteurs amoureux de la démocratie. Cet éclairage pourrait suffire, mais David Chauvel le double d’une recherche sur Emmanuel Macron et ses proches, leurs opinions et engagements politiques. Ils sont alors accusés d’être une machine néolibérale dont la seule ambition est de broyer les pauvres gens. On a le droit d’espérer que la réalité soit plus complexe, mais Chauvel dresse un implacable procès à charge contre Macron et ceux qui le soutiennent, avec l’image du jeune homme en épouvantail, bras écartés, qui revient comme un gimmick. C’est noir, désenchanté, violent souvent politiquement, pour rappeler que les gens et notamment les gilets jaunes ont, eux, souffert physiquement durant cette période. Malo Kerfriden offre, lui, un dessin réaliste fin et précis, jouant la carte du réalisme mais de la sobriété. Son noir et blanc se teinte régulièrement de jaune tout au long du récit, pour illustrer le propos ou donner des visages aux paroles citées. Le tout donne un livre long, difficile à lire, mais son découpage permet de le poser et de le reprendre régulièrement. Malgré la dureté du thème et l’orientation politique du propos qui pourrait le couper de certains lecteurs, cet album est d’une grande richesse journalistique, humaine et intellectuelle. Personne n’en sortira indemne, et c’est assez rare