L'histoire :
Dans une cité de Venise futuriste et délabrée, le prince Asanti se meurt. Avant de trépasser, il demande à son fidèle Orlando de mener à son chevet sa fille naturelle Saria. Dans un ultime effort, ce dernier lui confie trois clés, une rouge, une dorée et une argentée, toutes destinées à ouvrir « la porte de l’ange ». L’une d’entre elle ouvre sur le royaume des enfers, la seconde permet d’accéder aux délices du paradis et la troisième, la pire de toute, ouvre sur le néant. Il est impératif pour Saria de dissimuler ces trois clés à son oncle, le puissant Doge de la ville. A peine est-elle partie que l’immonde démon Galadriel apparait pour réclamer les clés à Asanti. Pour protéger sa fille, ce dernier ment sur le nouveau propriétaire des clés, avant de se faire poignarder par Galadriel. Lorsque Amilcar, le fasci du doge, et ses troupes arrivent sur place, ils retrouvent Asanti transpercé de part en part par un faisceau venu du ciel, la « lumière des douleurs ». Le doge fulmine. Six années passent. Débarqué en zeppelin, la « Dyle des Forçats » s’apprête à présenter son nouveau martyr lors d’une cérémonie protocolaire. De son côté, Saria est maintenant connue dans la cité sous le nom de « La luna ». En effet, elle s’interpose régulièrement au pouvoir des « inquisiteurs assis à la droite » (sic), accomplissant des miracles aux yeux du peuple qui l’acclame…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier tome de cette trilogie en devenir a été initialement publié chez Robert Laffont sous le titre Les enfers. Re-maquetté, « re-phylactéré », cet opus bénéficie aussi d'une nouvelle couverture signée Riccardo Federici (qui dessinera les deux autres volets), et d'un second baptême sous le nom de Saria lors de son passage chez Delcourt. La double signature est prestigieuse : Jean Dufaux, prolifique scénariste qu’on ne présente plus, et Paolo Serpieri, chef de file italien de la BD érotique. C’est la première fois que Serpieri confie le scénario d’un de ses albums à un autre que lui-même… mais on n’y voit guère de différence. Le maestro de la SF érotique (Druuna !) dérive cette fois légèrement vers la SF ésotérique, sur une même esthétique. L’univers graphique est en effet tout aussi torturé, baroque, charnel (et magnifique !) que sur Druuna, le porno en moins. Pour les adeptes de ce dernier aspect, il y a tout de même une séquence « érotisante » durant laquelle Saria exécute, nue, une plongée sous-marine. L’occasion de constater que Serpieri reste le maître incontestable des fessiers affables. Bref, passons, l’album ne résume pas à cela. Au classicisme prestigieux de Venise, vient s’opposer une putréfaction physique et sociétale ultime. Architectures futuro-« organiques », mœurs répugnantes, créatures cyber ou monstrueuses, tout semble avoir subi une altération génétique grave. Société décadente, perversions théologiques, bref ce décorum dégénéré compose le meilleur atout de cette nouvelle série, qui convient on ne peut mieux au goût pour le morbide et le malsain de Jean Dufaux (cf. Jessica Blandy). Le scénario, en revanche, est au mieux hermétique, au pire archi-déjà-vu-grandguignolesque. Les archétypes du satanisme sont amalgamés en un ersatz futuro-mystique qu’il reste à définir dans les prochains tomes. En résumé, superbe mais abscons.