L'histoire :
Il se définit lui-même comme un handicapé du sentiment. C'est-à-dire qu’il ne ressent aucune émotion, ni joie, ni peur, ni tristesse. Pour éprouver quelque chose, il est devenu photographe de macchabées pour la police. Par ce biais, il sonde la profondeur de son insensibilité. Mais à chaque fois, il finit par s’intéresser aux cadrages artistiques sans jamais s’apitoyer sur le sort des victimes. Appelé un jour par des confrères pour immortaliser une scène de crime, il se rend dans une ruelle sordide. Il remarque alors une pancarte sur la vitrine d’une épicerie pourrie : « Spectacle de femme nue, sans vêtements, pas cher ». Qui peut donc se montrer dans un endroit pareil ? Bien décidé à se frotter au fond du fond, il s’empresse le soir venu de se rendre au spectacle. Une poignée de voyeurs misérables et paumés achètent également une place. Tous s’installent dans les sièges souillés d’un vieux théâtre crasseux… et le rideau se lève. Apparaît alors une jeune femme debout, magnifique, entièrement dénudée, d’une pâleur extrême, qui reste immobile tout au long de la séance. Dès lors, il est obnubilé par cette femme et ne vit plus que pour assister chaque soir au spectacle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Littérairement, le Stabat Mater est une œuvre évoquant la douleur de la mère du christ. Dans ce one-shot cafardeux, nous suivons les pérégrinations intérieures d’un héros sans nom en proie à un manque d’émotions assumé. Pour relier ces deux sujets, il faudra attendre les toutes dernières planches, qui verront le héros se libérer de son autisme émotionnel. Plus que cette apathie en elle-même, dont il se moque éperdument, sa véritable souffrance trouve son origine dans son passé, dont on ignore tout. On comprend bien l’intention du propos d’Eric Omond, mais la méthode pour y parvenir semble un peu maladroite. Il est en effet un peu tiré par les cheveux que le héros tombe amoureux d’une statue, sans s’apercevoir qu’il ne s’agit pas d’une personne réelle. Bien sûr, il faut voir cela comme une métaphore… mais tout de même. La dernière fois qu’on a vu ça, c’était dans la mythologie grecque, lorsque Pygmalion ne trouvant pas de femme à son goût sculpta une statue d’ivoire pour en tomber amoureux… et sombrer dans la folie. Les auteurs parviennent tout de même à communiquer un profond sentiment de mal-être. Le dessin moderne et vif de Boris Beuzelin rend palpable l’ambiance sordide des polars sombres et la vague morosité intérieure du héros. Omniprésent, ce personnage sans nom n’est ni attachant, ni énervant, simplement neutre, comme une statue...