L'histoire :
Une étudiante hésite à prendre son ticket pour accéder au Musée d'art contemporain de Kunsthalle de Bern, en Suisse. Les fantômes de Hans Prinzhorn, précurseur de la découverte des arts d'aliénés, auteur de Expressions de la folie en 1922, Jean De buffet, inventeur du terme « Art brut » et grand collectionneur, Harald Szeemann, saint-patron des commissaires d'exposition, ayant sortie l'art brut de son ghetto psychopathologique, lui apparaissent et vont la guider dans sa découverte d'un genre encore assez méconnu du grand-public. Ils évoquent au passage les vies compliquées d’hommes et de femmes « habités » telles celles de : Henry Darger (1892-1973), Carlo Zinelli (1916-1974), Madge Gill (1892-1961) médium qui était guidée par un fantôme, (Adolf) Wölfi (1864-1930), Jean Perdrizet (1907-1975), Mary T. Smith (1904-1995). Ces derniers expliquent comment ces arts ont été démocratisés petit à petit, allant jusqu’à influencer de nombreux artistes populaires, tels David Bowie, Brian Eno, Jarvis Cocker et accéder jusqu'aux plus grands musées d'art contemporains, dont le Musée National d'Art Moderne, très récemment.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est à un étonnant et talentueux voyage que nous convient Christian Berst, collectionneur, éditeur, commissaire d'exposition et auteur d'articles sur l'Art brut, et le dessinateur Oriol Malet, assez peu connu dans nos contrées, mis à part sans doute au sein de quelques revues (on pense logiquement à XXI) et un album sur Mandela (Mandela et le général, Delcourt 2018). Car si le sujet était de facto relativement intéressant, puisqu’évoquant un art aux potentiels de fascination nombreux, il était sans doute moins aisé de l'aborder sous forme de narration graphique. Usant du stratagème de visite du musée et de l’apparition des fantômes, le scénariste détourne la difficulté avec brio. Quant à l’aspect graphique, utilisant différentes techniques allant du feutre gris avec aquarelle, pour les dialogues au sein du musée, en passant par des encrages plus appuyés et noirs à certains moments du récit, puis à la couleur ou le noir et blanc, en tentant d'évoquer et reproduire dans une sorte de mise en abîme le style de chaque artiste cité, le tout dans une mise en page dynamique et relativement aérée, l'artiste espagnol surprend et charme avec son style précis et agréable, parfaitement adapté au propos documentaire. Guy Delcourt a eu une bonne idée en lançant ce projet et en associant ces deux auteurs. L'ajout d’un portfolio de 18 pages en fin d'album, proposant une sélection d'œuvres d'art brut par Christian Berst, finit de rendre cet ouvrage indispensable pour tous les lecteurs désireux de mieux connaître le sujet.
