L'histoire :
Nina travaille la semaine dans une entreprise de transport routier. Elle assure l'entretien des locaux, elle nettoie les bureaux et les sanitaires. Pas spécialement fière de son boulot, elle fait croire à sa fille et à son père qu'elle a un poste de commerciale et qu'elle voyage dans l'Europe entière. Elle ne les retrouve que le week-end, après un voyage en train qui l'amène dans le pavillon de son père. Une forme de routine s'est installée, même si la personnalité très forte de Nina lui fait frôler le licenciement, ses collègues lui menant la vie dure, et elle leur répondant de manière très virulente. Au moment ou les chauffeurs de l'entreprise préparent un mouvement de grève surprise, l'un d'entre eux en CDD vient voir le Directeur des Ressources Humaines. Il lui donne le scoop de l'action que ses collègues préparent, en échange d'une promesse de CDI. Le DRH lui confie alors la mission de transporter une caisse d'antiquités pour un musée à Rome, au nez et à la barbe des autres chauffeurs, qui se lancent à sa poursuite. Il finissent par l'obliger à se réfugier dans la maison d'une jeune mère de famille, d'où il appelle les bureaux de l'entreprise. Seule dans le bureau au moment où le téléphone sonne, Nina pose son balai et décroche. Et va entrer dans la danse...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ils ne sont pas tendres avec l'espèce humaine, les albums d'Erienne Davodeau, et n'épargnent personne. Dans ce deuxième volume de la série Un Monde si Tranquille, l'auteur met en scène deux personnages qui vivent très difficilement de jobs difficiles, et sont prêts à tout pour s'en sortir. Au cœur de l'affrontement entre un chauffeur qui veut obtenir un boulot stable et ses collègues qui démarrent une grève, Nina va utiliser tous les moyens possibles pour tirer son épingle du jeu. Quitte à surprendre sa propre fille, en révélant une forme d'indifférence au sort des autres. En déroulant cette chronique presque banale avec, en toile de fond, le monde du travail, Davodeau ne fait qu'évoquer les difficultés économiques qui poussent les individus à un repli individualiste. Lorsqu'il décrit le quotidien d'une équipe de femmes qui nettoient les locaux de l'entreprise, il le fait avec une vision caricaturale qui peut choquer. Quand la journaliste Florence Aubenas livrait de l'intérieur une enquête dans les équipes de nettoyage du Quai de Ouistreham, elle le faisait avec un œil très critique, mais un immense respect pour les individus. Davodeau ne va pas aussi loin, son respect ne semblant aller qu'à ceux qui s'affrontent violemment, quitte à sembler négliger tous les autres. En cela, cet album parfaitement séquencé est très dur, impitoyable et sans morale. Il n'offre de moments de répit que dans les propos simples et touchants de Margot, la fille de Nina. Une toute petite touche d'humanité.