L'histoire :
Nickye et Grégory sont auteurs de BD. Ils voyagent au bout du monde tout en travaillant et font escale en Indonésie avec leurs trois enfants. Ils viennent d'arriver dans un ancien couvent reconverti en hôtel, où ils rencontrent un vieux baroudeur nommé Robert, avec qui la conversation va tout de suite s'engager. Il a connu quelques années plus tôt un couple qui faisait le tour du monde dans le petit voilier qu'ils avaient patiemment retapé. Alice et Olivier avaient quitté Vannes avec le sentiment d'une totale liberté, fuyant leur pays dont l'atmosphère politique les étouffait. Olivier était un marin expérimenté, Alice allait tout apprendre avec lui. Le début du voyage comble tous leurs espoirs. Les paysages sont magnifiques, une fois passé le canal de Suez, ils se sentent au bout du monde. Alors certes, ils se font régulièrement aborder par des pêcheurs qui leur vendent du thon en insistant un peu, ou doivent payer de petites sommes pour franchir des zones de fort trafic, mais la sensation de liberté est là. Malheureusement, un jour, après avoir échoué en tentant d'aborder un cargo, un petit groupe de pirates en hors-bord les aperçoit à l'horizon et fonce vers eux. C'est le début d'un cauchemar qui va se terminer en prise d'otages. Lorsque Robert raconte le début de cette histoire à la petite famille de voyageurs, ils sont partagés entre leur propre découverte de la région où ils viennent d'arriver, et la tristesse de l'histoire que le vieil homme leur raconte. L'expérience d'Alice et Olivier questionne la possibilité de se sentir réellement libres, où qu'on soit sur la planète.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers le voyage d'une famille éprise de liberté, cet album raconte le drame survenu à un couple de voyageurs attaqués par des pirates somaliens. Les deux scénaristes, qui sont les personnages principaux de leur propre récit, imaginent avoir rencontré Robert qui leur aurait raconté l'aventure dramatique d'Olivier et Alice. Au fil de l'histoire on passe de l'époque contemporaine avec la petite famille qui découvre un bout d'Indonésie au plus près de ses habitants, aux flashbacks vers le voyage du Vent Debout. Les deux époques résonnent en montrant que des touristes privilégiés sont nécessairement vus comme une source de revenus faciles dans les pays moins favorisés qu'ils visitent. A la violence du piratage du voilier, font écho les petites arnaques quotidiennes lorsqu'il s'agit de payer un petit voyage en bateau ou à bord d'un pick-up. Le livre est plein de ces petites anecdotes de voyage qui laisseront peut-être de marbre ceux qui n'ont pas eu la chance de barouder au bout du monde, mais elles sont bien racontées et sont totalement crédibles. Le style graphique très basique de Lucie Castel permet d'assurer les plus de 150 pages sans y consacrer trois ans de sa vie. Sa mise en page et son découpage sont très efficaces et très actuels, tout s'enchaine avec naturel. La surprise vient du choix de dessiner purement et simplement sur une photo, lorsqu'un paysage est mis en avant, une balade dans des rizières ou l'intérieur d'un temple. Ça surprend un peu, mais on s'y fait, ça a le mérite de la clarté, tant il est courant aujourd'hui que les dessinateurs utilisent des photos pour dessiner les contours des décors de leurs cases. L'histoire du Vent Debout, basée sur des faits réels, est violente et cruelle, ce qui est bien rendu dans le scénario de Grégory Jarry et Nicole Augereau. Un album au bout du monde qui donnerait presque un peu envie de rester chez soi ...
