L'histoire :
Après avoir voyagé au Chiapas et avoir rencontré les forces armées du sous-commando Marcos, Philippe Squarzoni raconte le combat que livrent ces révolutionnaires indiens et miséreux au Mexique. 18 ans passés à se cacher dans la jungle et à échapper tant bien que mal aux forces armées. Dans le même temps, on n’arrête pas le « progrès », puisque les multinationales s’enrichissent à coups de milliards. Pendant ce temps, les citoyens s’enthousiasment pour la coupe du monde 98, alors que l’un des plus grands dictateurs, Pinochet, est arrêté dans l’indifférence générale. Les gouvernements puissants multiplient les paradis fiscaux et ont la mainmise sur le Tiers Monde pour assurer l’exportation et l’enrichissement des grandes industries. Les guerres éclatent partout dans le monde et l’Empire Américain étale toute sa puissance. La fiction cinématographique sur le bon cow-boy, le flic intègre ou le super-héros parfait ne peut masquer la réalité de l’impérialisme américain : les guerres ne sont que des façons d’accroître le marché militaire et d’augmenter les zones d’influence stratégiques. Seule solution pour Squarzoni : la résistance, totale ou partielle, à la façon des Zapatistes. Car comme disait Marcos, « face à la pauvreté et aux envies de changement, d’amélioration, tu ne peux pas rester le même, à moins d’être un cynique… ou un fils de pute ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Suite et fin de l’essai politique de Philippe Squarzoni, paru initialement chez Les Requins Marteaux. Sans ambages, l’auteur nous livre ses convictions sur la situation politique du monde actuel. Profondément pessimiste, mais tentant d’être le plus lucide possible, Squarzoni dénonce toutes les manipulations politico-économiques de notre temps : paradis fiscaux, spéculations boursières, ententes secrètes avec des dictatures, inégalités révoltantes, manipulations de masse, guerres stratégiques, massacres de civils… Le constat est noir et terrifiant. L’auteur ne s’embarrasse pas de bon sentiment (on pourra même trouver d’étranges résonnances avec l’actualité). Il continue son long travail de dévoilement d’une société inique et dangereuse, qui entraîne les autres peuples et pays dans sa chute. Preuves à l’appui, le lecteur revit les grands moments de l’histoire avec un regard plus acerbe : la guerre froide, la crise économique, les financements des campagnes politiques, les manipulations du FMI, l’enrichissement de grands fabricants alimentaires, l’attentat des deux Tours, les chocs pétroliers, la dictature en Tunisie sous des airs de séjours de vacances, le blanchiment d’argent et la multiplication des réseaux illégaux… Squarzoni lève un grand voile sur la politique des grands pays et égratigne avec force le plus puissant d’entre eux : les Etats-Unis. Plus détaillée et moins générale que dans le premier tome, son analyse est très précise et fourmille de chiffres qui donnent le vertige et renforcent le malaise du lecteur. Cette stratégie dévastatrice contre le système en place a pour objectif d’amener le lecteur à une profonde prise de conscience et une remise en cause du monde dans lequel on vit. Le choc de la vérité passé, tout homme se doit de réagir et de s’engager dans la lutte contre l’impérialisme et la dictature de l’économie libérale. Ainsi, Squarzni n’hésite pas à faire passer des messages d’engagement et pousse son lecteur à militer contre les puissances d’aujourd’hui. Il prend le groupe ATTAC en exemple : ce petit groupe contestataire tente de créer des solutions pour résoudre la pauvreté dans le monde et les inégalités qui se creusent de plus en plus. Il ne masque pas non plus son admiration pour la lutte menée par le charismatique Marcos, qu’il compare à Gandhi ou Marthin Luther King. Le message politique est donc très marqué et la bande dessinée sonne comme une action militante et une campagne de séduction : on aura donc bien compris que l’auteur penche beaucoup plus à gauche ou à son extrême qu’à droite (Squarzoni dit lui-même ne pas comprendre ceux qui sont pour l’UMP…). Beaucoup seront encore plus gênés par le ton radical de cette œuvre, bien plus militante que le tome précédent. On ne pourra pourtant guère enlever le talent graphique de Squarzoni, qui sait véritablement tout dessiner : portraits réels, photos retravaillées, caricatures, dessin animés… La palette de l’artiste est étendue et rend la lecture fluide et agréable, malgré le sujet peu glamour. Les trouvailles graphiques sont légion et miment parfaitement le cheminement de pensée de l’auteur : Squarzoni se changera même en chevalier Jedi qui va combattre le terrifiant dictateur impérialiste… sous les traits de Dark Vador ! Cette BD est un combat en lui-même que beaucoup risquent de trouver très violent…