L'histoire :
Depuis que son frère est parti sur la terre des fous, grand frère est inquiet. Sa mère est morte, son père vit seul et triste. Chaque vendredi il va manger chez lui. Le tête à tête est silencieux, mais la table est dressée pour un festin familial. Il se demande si son frère sauve des vies en Syrie ou s’il a pris les armes. On est le 8 septembre, jour de naissance de la vierge Marie et jour de la mort de leur mère. Petit frère, lui, est en Syrie. Il travaille dans un hôpital et sa vie a basculé… un 8 septembre. Il était infirmier, avait deux amis, un turc et Naël, un vieux médecin indonésien qui voulait que petit frère devienne chirurgien. Après une transplantation de cœur de huit heures, petit frère a dit qu’il voulait faire de l’humanitaire. Trois jours plus tard, Naël lui a organisé un rendez-vous avec l’ONG Médecins sans frontières…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Paru en 2017, le roman Grand frère, de Mahir Guven, a raflé bien des prix en 2018. Prix Première, Prix Régine-Desforges et surtout, le Goncourt du premier roman ! L’homme ne vient pas de nulle part. Il est l’un des fondateurs de l’excellentissime hebdomadaire Le 1. L’adaptation de son roman est confiée à l’excellent dessinateur malgache Dwa (Back to Al Bak, Dictature à Brickaville), qui a travaillé le scénario avec la metteure en scène et dramaturge Mounya Boudiaf. Ils livrent un récit choral où tour à tour le grand frère, puis le petit frère, livrent leurs réalités, comme s’ils se répondaient sans se parler. La langue de Guven est respectée, un peu trop même. Le trait magnifique de Dwa est un peu sous-utilisé en tant qu’outil de narration, mais le texte est tellement excellent, tellement parlé que Boudiaf et Dwa ont dû s’arracher les cheveux pour faire des choix. Le scénario est excellent. La fraternité, la confiance, le doute, ces thèmes se croisent avec bonheur et tiennent le lecteur en haleine. La question de l’identité est aussi prégnante. Quelle place pour les binationaux dans la France d’aujourd’hui ? Les héros sont, comme l’auteur, franco-syriens et ont grandi en banlieue. Comment trouver sa place dans ces conditions ? Quand ton père parle à peine français, travaille sept jour sur sept pour nourrir sa famille ? Quels sont les choix de vie ? Grand frère a dealé, est allé en prison, s’est rangé et à une vie de merde. Petit frère à fait des études, mais ne s’est jamais senti à sa place. Il est parti là d’où on ne revient pas, à moins que ce ne soit pour tuer et mourir. Un album coup de poing dans le ventre, qui prend aux tripes et ne lâche plus le lecteur.