L'histoire :
Ginette Kolinka a gardé le silence pendant 40 ans sur cet épisode de sa vie. Mais elle finit par s’ouvrir. Elle commence ainsi sa conférence auprès d’adolescents : « Hitler déteste les juifs. Hitler veut tuer tous les juifs d’Europe ». « Je suis née le 14 février 1925 à Paris. Je suis la petite dernière d’une famille nombreuse. Mon père voulait absolument un garçon. Ainsi, 7 ans plus tard ma mère met au monde un garçon : Gilbert. Mon père est un petit artisan, il fabrique des imperméables, ma mère s’occupe de tout à la maison. Quand la guerre est déclarée, j’ai 14 ou 15 ans, je ne réalise pas tellement ce que cela veut dire. Une loi va très vite nous obliger à nous faire recenser comme juifs dans les mairies et les commissariats. Mon père est fier d’être français. Il n’hésite pas un seul instant et s’empresse de nous rassurer. Sur nos cartes d’identité nous avons un gros tampon « Juif » et bientôt, on nous oblige à mettre l’étoile jaune. Porter cette étoile impacte nos vies : beaucoup de choses nous sont interdites. Mais il m’arrive parfois de planquer mon étoile quand on m’invite au cinéma. Comme les personnes juives n’ont pas le droit de faire des courses le matin, du coup, il nous faut passer par le marché noir pour obtenir quelques erzats de denrées. Cependant, en juillet 42, nous quittons Paris pour aller en zone libre car nous avons été dénoncés non pas comme juifs mais comme communistes … »
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
78599. Un nombre inscrit sur le bras de Ginette Kolinka, née Cherkasky. Ce numéro passera longtemps inaperçu, à tel point que, son fils Richard (le batteur du groupe Téléphone !), pensera que toutes les mamans en ont un. Néanmoins, c'est un matricule, tatoué sur sa peau lors de son arrivée au camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, le 16 avril 1944. Aurore d’Hondt, étudiante en école d’ingénieur, a rencontré à plusieurs reprises Ginette Kolinka afin de transcrire en image ce moment de vie authentique et bouleversant. La réalité fut bien pire que toutes les reconstitutions existantes de la guerre et de la vie dans les camps de concentration. Les humiliations, les brimades, les coups de crosse et de schlague, les latrines, la maladie, l’odeur permanente de chair brûlée, la survie, la faim au quotidien qui tiraille les entrailles… autant de situations difficiles à admettre et à accepter, tant la violence dépasse l’entendement d’un honnête homme. Et pourtant… l’autrice décrit parfaitement une triste réalité, sans détour, dans un scénario fidèle à la vie de Ginette Kolinka avant, pendant et après sa déportation. L’insouciance, la survie et la résilience. Pour cela, elle a fait le choix de la sobriété : du noir et blanc. Elle utilise un trait rond et fourni, parfois enfantin, qui contraste avec la dureté et la violence des évènements décrits pour les rendre davantage supportables. Elle noircira aussi le contour des cases pour bien marquer la vie dans le camp et ainsi apporter un contraste entre l’avant et l’après. Ce roman graphique est un nouvel indispensable pour devenir à notre tour des passeurs de Mémoire.
