L'histoire :
Pour Minus, chaque journée démarre par une branlette dans son plumard. Une fois cette bonne chose de faite, ce jeune urbain célibataire va au boulot : un job de bureau inintéressant, déniché par son père qu’il méprise, dans une boîte de cons. Les transports en commun sont alors une bonne occasion de mater les gonzesses. Parce que les gonzesses, c’est sa grande passion, à Minus. Il fait collection des conquêtes d’une nuit, qu’il a hâte de voir se casser une fois qu’il en a terminé, sans même connaître leurs prénoms. Mais avant ça, il y a le rituel de la bière du soir avec des collègues relouds dans un bar. Parmi ces derniers, il y a souvent Virginie, une collègue plutôt canon, qui en pince pour lui. Mais pas question de lui céder : il lit dans son regard que c’est du genre pot de colle, à vouloir des mioches et un mariage. Donc il la dédaigne avec jouissance et s’en tape d’autres ouvertement devant elle. Bref, il est un salopard, sa vie est minable, il le sait, mais il s’en bat le coquillard. Et puis un jour, il accuse réception d’un gros colis pour Brutus, son connard de voisin, qu’il s’empresse de détourner dans son appart. A l’intérieur : une poupée gonflable asiatique en silicone, de dernière génération. C’est génial ! Minus s’enferme chez lui et il la tringle tout le week-end, dans toutes les positions. Dans les semaines suivantes, cette vie sexuelle intense et défoulée exacerbe ses pulsions. Il devient un serial fucker, multiplie les conquêtes, même des boudins, et se chope une sulfureuse réputation dans sa boîte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec son dessin semi-réaliste aux déformations caricaturales volontaires, couché en un noir et blanc bien tranché aux encrages appuyés, le visuel de ce one-shot balise d’emblée le registre sordide. On est ici très proche des récits malsains de Mezzo et Pirus (Le roi des mouches), eux-mêmes inspirés de la griffe de Charles Burns (dans le registre des comics indé). Le sujet central de cette chronique sociale contemporaine (pour adultes !) peut-il être qualifié de « héros » ? Le bien-nommé Minus est un pornographe cynique, haïssable et paresseux, qui assume sa condition en allant jusqu’au bout de son œuvre autodestructrice. Sa religion, c’est baiser, boire et glander, en se regardant le nombril et en chiant à la face du monde (désolé, c’est le juste terme). Minus a zéro empathie pour autrui, considère son prochain comme un self-service dont il est permis de tirer le meilleur profit, et trouve son plein bonheur dans sa jouissance égoïste, au sens « propre ». L’auteur Rica a donc mis au point un cas d’école particulièrement croustillant ! Et néanmoins, paradoxalement, on s’attache à ce Minus, parce qu’il revendique un vaste étalage de petits travers refoulés en chacun de nous. Metteur en scène de cette décadence magnifique et bidonnante (pour qui apprécie le second degré), Rica double donc cette histoire d’une réflexion sur les noirs tréfonds de l’âme humaine. Que se passe t-il, socialement, lorsqu’on laisse s’exprimer librement son sadisme, lorsqu’on éradique ses derniers scrupules et sa fierté ? Le propos de l’album tend à accomplir et assumer une démarche subversive jusqu’à son paroxysme (que nous tairons), histoire de voir les options finales qui s’offrent en pareil cas. Une expérience de lecture salutaire…