L'histoire :
Kigali, Rwanda, avril 1994 : Mathilde vit par procuration le bonheur de son ami Rose qui se prépare à célébrer son mariage avec un français. Avril 1994, Rwanda : l’avion présidentiel est abattu en plein ciel, tuant le chef d’état Hutu. Dés lors, un vent de folie se répand à grande vitesse sur le Rwanda : l’ethnie Hutu accuse le FPR (parti d’opposition Tutsi) et les belges d’avoir fomenté l’attentat. Mathilde, elle-même d’origine ethnique Tutsi, n’a plus le temps de rêver : elle sait qu’elle et ses enfants seront rapidement pris pour cible par un peuple en colère, avide de sang Tutsi. Elle tente bien de se mettre sous la protection des militaires européens, mais ne parvient qu’à confier son plus jeune enfant à son ami français : les rwandais ne sont pas prioritaires, même si en restant sur place, leur chance de survivre est réduite à néant. Alors Mathilde se cache : forêt ou canalisation, en espérant juste qu’elle, Paul et sa petite Marie, ne se retrouveront pas à leur tour, dépecés sur la route comme des chiens… Elle parvient à rejoindre son domicile et s’abrite pour quelques temps avec ses enfants dans le faux-plafond. Mais l’eau manque cruellement. Un soir, la petite famille quitte son abri et se fait repérer. Dans leur fuite, la mère est séparée de Paul, son jeune fils. Puis, blessé d’un coup de faucille, elle gagne la brousse complètement désespérée : sa petite fille n’a pas survécu à l’assaut.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette intégrale constitue une vraie piqure de rappel, voire peut-être pour certains, un premier vaccin, contre cette terrible maladie qu’est l’oubli. Souhaitons alors, que longtemps encore les talents s’unissent, et peu importe le medium choisi, pour que nous n’oublions jamais que si l’Homme est un animal des plus évolués, il emporte sans conteste la palme de la sauvagerie. Ce trio d’auteurs choque donc à volonté, en usant d’un trait réaliste et de tons chauds ou en se contentant, malheureusement, de décrire simplement la violence et l’horreur des faits. De coups de pelleteuses dans les charniers, en coup de machette ; du viol comme arme de destruction massive ou du choléra qui se charge des survivants : rien ne nous est épargné. Mais c’est ainsi : Mathilde et les autres victimes du génocide subi par les Tutsi rwandais en 1994, le valent bien. Car c’est bien sous cet angle que Cécile Grenier réussit à faire de la gifle un récit passionnant : en humanisant le propos, grâce à sa Mathilde ou son petit Paul. Elle dépasse ainsi le simple reportage et son lot de clichés sensationnalistes, qui la plupart du temps nous font tourner la tête, pour préférer nous mettre à leur coté, le nez à l’intérieur. Ainsi, nous prenons la fuite avec elle, nous sommes violés, humiliés ou plein d’espoir de retrouver vivant les siens, de reconstruire coûte que coûte son bonheur. Le reste n’est qu’une démonstration de plus de la stupidité humaine, de sa faculté à jouer les ignorants, de sa capacité à laisser se reproduire éternellement l’inacceptable sans sourciller. 100 jours de haines, de tortures, de tueries parfaitement évoquées et réussissant sans conteste à toucher.