L'histoire :
1888, Terre de Feu… Terre de brebis et de vent. De ciel chaotique et de brumes épaisses. De cavaliers à la gâchette facile venus, contre quelques sacs d’or, massacrer les populations indiennes autochtones. Et si quelques uns survivent, ils seront emmenés loin de leurs terres pour être présentés au tout-Paris comme de vulgaires bêtes en cage. Bref, le premier mouvement d’une fin annoncée… Plus tard, en 1915, dans l’austère Province de Chubut, le petit village de Facundo vit au rythme de son auberge-épicerie et du passage des charretiers. L’établissement est tenu par Karl et Alicia, un couple d’allemands expatriés. Outre son commerce avec les conducteurs du convoi, Karl troque avec les indiens qui campent à quelques mètres de l’épicerie : des peaux contre un bidon d’alcool de genièvre. Deuxième mouvement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Animé par un crayonné quasi cathartique, la masse parfois austère d’une gamme charbonneuse ou grisonnante, des bonhomies souvent caricaturales, des seconds plans judicieusement esquissés, des planches immobiles et muettes ou débordantes de furie… la force graphique de ce voyage en 280 pages ne peut guère laisser indifférent. A chacun alors de se laisser happer ou non, au fil d’un scénario qui prend lui aussi le temps de nous installer, au risque de nous perdre parfois. Dense, enlaçant Histoire douloureuse, chaotique et rigoureuse géographie, le récit réussit son pari humaniste à la faveur de plus d’un siècle de Patagonie contée (1888 - 2009). Au centre du projet, la quête identitaire d’un des co-scénariste (Alejandro Aguado) et par ricochet celle de l’auteur du magnifique Bandonéon. Mais aussi et surtout, un bout de l’Histoire de la population indienne autochtone niée peu à peu par les colonisateurs et leur descendance. Un habile devoir de Mémoire qui remet à leur juste place et valeur Yamanas, Onas, Tehuelches et autres Mapuches. Le tout au rythme de l’Histoire argentine, ses génocides, ses microbes, ses anarcho-syndicalistes fusillés, ses dictatures et ses nazis. En neuf chapitres, aidé au scénario par Alejandro Aguado, Hernán González et Horacio Altuna, Jorge González transmet – pas toujours de la plus digeste des façons – l’essentiel : un amour irréductible de cette terre pourtant hostile et une indispensable reconnaissance de ses premiers occupants. Au-delà, on se laissera séduire par l’attachement provoqué par les trajectoires – au cours de ce siècle exposé – d’une demi-douzaine de protagonistes qui, au-delà de l’aspect historique du projet, ajoutent une dimension humaine habile, crédible et piquant notre curiosité.