L'histoire :
Joub et Nicoby taillent la route en voiture, direction la Bretagne. Ils ont rendez-vous avec Jean-Claude Fournier, l’auteur de BD qui a jadis créé le personnage de Bizu, avant de reprendre, durant 10 ans, l’emblématique série de Dupuis Spirou et Fantasio. Chemin faisant, ils se racontent l’un l’autre leur première rencontre avec Fournier, quand ils étaient gamins, à l’occasion d’un festival ou… dans une pissotière. Quand ils arrivent enfin devant chez lui, ils sont accueillis par un horrible son qui déchire la quiétude du petit port. Ils se ruent à l’intérieur, croyant qu’on égorge quelqu’un… Mais non, c’est Fournier qui joue de la cornemuse, pour se mettre dans l’ambiance de son nouveau projet BD avec Kris au scénario. Il est 10 heures du matin, l’auteur leur offre un petit café et commence à raconter son histoire, puisqu’ils sont venus pour ça. Tout a commencé pour lui par une rencontre avec Franquin, lors d’une séance de dédicaces, alors qu’il était au sommet de sa gloire. Fournier avait apporté un carton à dessins de sa production et l’auteur avait souhaité y jeté un œil. « C’est pas mal, il y a des choses intéressantes » avait-il avoué, avant de l’inviter à dîner avec sa bande d’auteurs. Fournier était aux anges. Franquin lui avait ensuite proposé de passer le voir à la rédaction du journal Spirou…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce petit bouquin épais, Nicoby et Joub proposent une biographie « bédessinée » de Jean-Claude Fournier, comme le laisse entendre son titre. L’auteur a un parcours chaotique dans le 9ème art : adoubé par Franquin, il créa le gentil personnage de Bizu, avant d’hériter des aventures de Spirou et Fantasio durant 9 albums, puis d’être critiqué et remercié. Après avoir rebondi avec les Crannibales, il a dernièrement changé radicalement d’approche artistique avec les Chevaux du vent, aux côtés de Lax. Peu d’auteurs vétérans sont prêts à un tel virage et cette démarche courageuse procède sans doute en partie d’une sorte de réhabilitation. L’approche des auteurs pour narrer leur biographie est peut-être une mise en abyme un brin naïve, mais elle fonctionne parfaitement : ils se mettent en scène durant une journée entière de rencontre avec l’auteur. Ce faisant, ils font logiquement le tour de sa vie professionnelle et retracent moult anecdotes. Qu’on soit fan ou pas de Fournier, le récit est justement rythmé et immersif, car la carrière de l’auteur est riche et non linéaire. L’album retrace ses premiers pas dans le métier, la transmission de Spirou et le poids d’un tel héritage. Il ne se prive pas de détailler les mises en garde de Franquin et les critiques qui lui ont été adressées. On lui a en effet reproché de politiser Spirou (l’image et le propos de l’Ankou furent utilisé par les activistes anti-nucléaire), puis de le « bretonniser » ! Evidemment, le grand respect que Nicoby et Joub témoignent à l’endroit de Fournier est ostensible. Avec leur style graphique jeté et spontané, la plupart du temps en bichromie, ils en brossent une caricature éminemment sympathique, comme il s’agit de le faire avec tout héros de BD qui se respecte. Ils collent de fait à la légende de cette personnalité tout à la fois truculente, grognon, sympa, bedonnante et barbue. Une belle (re)découverte d’un auteur sans doute pas assez reconnu…