L'histoire :
1965. Mid West américain. Pierre Christin traverse le pays en bus sous l'écrasante chaleur ambiante. Heureusement, il y a l'air conditionné, et des boissons sucrées et gazeuses pour faire passer la pilule. En allant vers les montagnes avoisinantes, une tempête de neige surprend le véhicule. Le bus qui suit avec les bagages à son bord fait une embardée et se renverse. C'est ça, les Rockies : en plein été, un coup d'hiver peut surprendre tout le monde. En arrivant à Salt Lake City, Pierre se rend chez le disquaire du coin. À sa grande surprise, pas de vinyles de jazz ou de blues dans les bacs, juste quelques race records. Il découvre les joies du crédit, achète une voiture, une Oldsmobile de 1956 et trouve une maison pour accueillir sa famille qui est en passe de le rejoindre. Après quelques péripéties automobiles, il retrouve son ami Jean-Claude Mézières, installé aux USA pour jouer les cow-boys. Les deux hommes font un bout de chemin ensemble dans l'Ouest.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Méfiant vis-à-vis du genre autobiographique pour son côté « célébratif » et narcissique, Pierre Christin s'était promis de ne pas raconter sa propre vie. Et puis, quoi d'intéressant à raconter la vie d'un scénariste qui a croisé sur son chemin de grands dessinateurs ? José-Louis Bocquet de chez Dupuis a cependant fini par le convaincre de sauter le pas. Ici, la bande dessinée est en toile de fond, mais pas que ! Pierre Christin a choisi comme parti-pris de raconter en mode road-movie ce qui a fait l'essence de sa vie, son admiration pour les USA et sa curiosité pour les pays de l'Est, des territoires qu'il a visités de long en large, ce qui était rare pour l'époque. Cet enfant de la guerre est devenu un adulte de la guerre froide, comme tiraillé entre les deux blocs, passant par toutes les émotions, attristé, attiré, étonné, séduit, critique... Cette bipolarité se retrouve dans sa saga Valérian, un héros aux accents US et ses grandes œuvres avec Enki Bilal (Parties de chasse, La ville qui n'existait pas...). Son scénario livre les événements de façon journalistique (normal, c'est lui le fondateur de l'école de journalisme de Bordeaux !) distillant ses références (Sweig, les situationnistes, Kafka, Philip K.Dick, Ray Bradbury, Isaac Asimov...) et ses grandes rencontres (Goscinny, le journal Pilote, Mézières of course, Giraud...). Qui mieux que Philippe Aymond, avec qui il a souvent collaboré, pour mettre la cose en images ? Son trait est ici vif, loin de sa patte graphique plus classique de Lady S. Est-Ouest est loin d'être une simple autobiographie, c'est surtout le regard d'un homme qui a traversé une époque balancée entre deux idéologies. A 79 ans, Pierre Christin a encore plein de projets à venir et Philippe Aymond va reprendre Bruno Brazil avec Laurent-Frédéric Bollée. L'histoire continue !