L'histoire :
Alors qu’elle se promène à pieds dans les Pyrénées espagnoles, Marianne ressent une douleur vive qui lui vrille le crâne de l’intérieur. Parfaitement consciente, elle auto-diagnostique une rupture d’anévrisme. Quelques heures plus tard, après avoir été opérée à Montpelier, elle reprend conscience sur son lit hôpital et pense aussitôt à sa sœur Michou, décédée de ce genre de lésion cérébrale. Elle repense aussi à tout son parcours familial, décidément hors du commun. Car lorsque Marianne était en bas-âge, son père Pierre travaillait pour le leader indépendantiste Patrice Lumumba, au Congo. Le pays était alors au bord de la guerre civile et sa mère, enceinte, avait donc rapatrié ses enfants en Belgique. C’est là qu’était née Michou, tandis que tout le monde s’inquiétait pour Pierre, qui ne donnait pas de nouvelle. Après quelques semaines de repos, sa mère était alors repartie seule au Congo, à la recherche de son mari, durant… 3 mois ! Cette absence était imputée à la guerre civile qui faisait rage là-bas. Le parti-pris de Pierre aux côtés de Lumumba était alors considéré comme une trahison à la nation belge. Mais Marianne était enfant et n’y entendait rien à la chose politique. Tout ce qu’elle comprenait, c’est que la famille déménageait de nouveau pour désormais habiter Tunis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Etonnant, non ? Au terme d’une grosse vingtaine d’albums, tous scénarisés par Frank Giroud, les Secrets se concluent par ce one-shot, certes dessiné par Marianne Duvivier, auteure-pilier de la collection, mais scénarisé par un autre tout aussi reconnu : Denis Lapière. Giroud explique cette petite trahison en préface : d’autres projets l’ont éloigné du 9ème art. Mais ce qui marque plus encore cet album, c’est que le lourd secret de famille qui y est dévoilé est pour la première fois authentique : il s’agit de l’histoire réelle de Marianne Duvivier herself. Ballotée par la Grande Histoire des conflits d’indépendance congolaise, Duvivier a en effet appris sur le tard bien des choses sur sa famille. Sa participation à 6 albums de Secrets l’a forcément incité à réaliser cette œuvre, aux intentions clairement en marge des précédentes. A la lecture, on comprend bien la nécessité cathartique pour Duvivier de produire ce récit autobiographique – la bande dessinée est d’ailleurs très souvent employée en psychothérapie, comme exutoire. Toutefois, le souci d’authenticité inhérent à la démarche produit une trame narrative tout de même plus basique que les précédentes œuvres de Giroud, qui avaient quant à elles de forts accents de thriller. L’arrangement scénaristique de Denis Lapière n’est néanmoins pas en cause : l’auteur trouve le juste tempo de l’intime et de l’accroche, on ne s’ennuie jamais. Les auteurs poussent même l’exercice jusqu’à la mise en abyme, se mettant en scène en fin d’album en train de concevoir l’album. La patte graphique demeure quant à elle typique de l’auteure et reconnaissable entre mille : sérieuse et régulière mais pas gracieuse, avec quelques faiblesses de perspectives ou de proportions que la « stylisation » n’excuse pas complètement.