L'histoire :
Un duo de policiers entre de force dans une maison du quartier de North Hollywood, dont l'occupante ne paye plus son loyer depuis des mois. La raison est simple : la femme de quarante ans git sur le sol de sa chambre, au milieu de déchets en tous genres. Cigarettes, pilules diverses, bouteilles d'alcool vides... Une junkie de plus, se dit l'un des deux agents, pendant que l'autre relève des éléments qu'il faudra transmettre au juge pour confirmer le suicide. Au début des années 60, Judee Sill est une ado en révolte contre sa mère et l'homme avec qui elle a refait sa vie après la mort de son mari. Elle va vite fuir le domicile et se marier avec un des premiers garçons qu'elle rencontre. L'argent nécessaire a été braqué dans un magasin local. Lorsqu'en 1972, Judee réalise son interview avec le journaliste Grover Levis de Rolling Stone, elle raconte cette vie qui l'a menée jusqu'à un premier album reconnu par la critique, mais sans grand succès commercial. Elle parle de ses frustrations de ne pas rencontrer le succès. Et quelques années plus tard, lorsqu'elle aura disparu de la circulation, ne resteront que deux albums, quelques artistes qui citent certains de ses titres comme des références absolues, et presque rien d'autre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour son nouveau one-shot, Juan Diaz Canales a déniché une artiste fulgurante et culte dans le monde de la folk du début des années 70. Une Joan Baez complètement déjantée et arrogante, clairement une punk avant l'heure. On découvre complètement cette chanteuse apparemment surdouée, ce qui évidemment excite notre curiosité pour son morceau culte appelé The Kiss. Pour accompagner le scénariste, Jesus Alonso Iglesias y va à fond dans le côté pop et psychédélique, avec des pages pleines de formes courbes qui partent dans tous les sens, des volutes de fumées colorées dignes de la pochette de Just a Poke, l'album emblématique de Sweet Smoke. Un destin fascinant, en tout cas, pour l'époque, dont on garde l'image d'une génération d'artistes qui, en franchissant la porte des maisons de disques, démarraient une carrière structurée. Judée Sill ne sera pas de ceux-là. Sa vie après ses deux albums reste une sorte de mystère. Le récit est alors l'occasion de plonger dans les années hippies, les auteurs inventant les scènes qu'ils n'ont pas pu apprendre dans l'histoire connue de la chanteuse folk. C'est original et décousu, amusant à réaliser, visiblement, pour les deux complices qui le mettent en scène. Avec le petit plaisir probablement de transmettre au lecteur un mystère artistique supplémentaire.