L'histoire :
Débordé par la surabondance d’œuvres à traiter, Jean, bibliothécaire, vient de faire un burn-out. Son médecin lui donne un mois d’arrêt de travail. Jean fait bien les choses : pour bien se vider le crâne, il vide son appartement de ses bouquins, télé, disques… et se retrouve seul avec son chat, à essayer de réapprendre le quotidien selon le même prisme oisif et débarrassé des contingences matérielles. C’est alors qu’il retrouve une cassette audio – une relique ! – qu’il écoutait dans sa jeunesse. Une cassette de Rémy Bé, chanteur engagé des seventies. Une idée dingue lui vient en tête, en adéquation avec son besoin de renouveau : partir à la recherche de ce chanteur totalement oublié aujourd’hui. D’ailleurs, comment est-ce possible que l’auteur de textes aussi puissants puisse aujourd’hui avoir disparu ? Première étape : Morlaix, que Rémy Bé évoquait dans ses chansons. Jean débarque du TGV par une météo pluvieuse, dans une ville déprimante. Le coin idéal pour un suicide. Il en profite pour se remémorer sa première découverte de l’œuvre de Rémy Bé, lorsqu’il était étudiant. Le lendemain, il loue une voiture et débute son enquête sur les traces de Rémy Bé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’année dernière, Didier Tronchet partageait en BD son extraordinaire expérience de vie sur une île paumée de l’Océan Indien déconnectée de la civilisation, en compagnie de son fils de 13 ans (dans Robinsons père et fils, Delcourt). Aujourd’hui, dans cet album Aire libre, petit format mais grosse pagination, ce petit cachotier révèle une toute autre motivation pour cette folle aventure humaine. En effet, l’auteur de Jean-Claude Tergal s’est aussi exilé là-bas à la recherche d’un chanteur méconnu, un certain Rémy Bé, qu’il écoutait avec passion dans sa jeunesse. Le littéraire, la sincérité et la puissance contestataire des textes de cet artiste oublié se heurtent aujourd’hui à l’énigme de sa disparition auprès du grand public. Et ce mystère lui a suffi à mener une enquête autour du monde, de Morlaix à Berck-sur-Mer, en passant par l’île de France et l’île aux Natte (dans l’Océan Indien). En postface, Tronchet avoue que cette histoire est certes un brin arrangée, mais globalement authentique : métis franco-vietnamien, son Chanteur perdu s’appelait Jean-Claude Remy. Il a réellement fait quelques chansons dans les seventies, il est réellement pote avec Pierre Perret et réellement métamorphosé aujourd’hui en simple pêcheur sur l’île aux Nattes. Les traces audio et iconographiques de ce chanteur se trouvent en annexe de la BD, ainsi que sur le site www.tronchet.com. Or, via sa signature graphique – un trait de dessin épais et stylisé parfaitement lisible et précisément mis en scène – Tronchet sait y faire pour transformer cette bête anecdote de vie en authentique aventure. En quelque sorte, A la poursuite du diamant perdu, avec un chanteur en guise de diamant. A travers les réflexions intimes de l’alter-ego qu’il met en scène, à travers ses rencontres originales, ses fausses-pistes amusantes, ses errements et ses coups de bol, il partage ses réflexions sur le sens du destin, la place de l’artiste dans la civilisation, voire l'héritage de son engagement… le tout avec une fausse légèreté, quelques zests d’humour et une constante humilité. Le virage narratif qu’a pris Tronchet il y a quelques années, en délaissant la déconnade fluideglacialienne, continue d’être passionnant.