L'histoire :
Il y a longtemps, très longtemps, le goupil et les bêtes ressemblaient fort aux hommes. En ces temps anciens, le sire abbé Pierre de Saint Cloud entreprit de raconter maints fabliaux issus du génie populaire. Arrangés par quelques ornements satiriques, il montra ainsi la confusion des puissants, qui souvent furent joués par le filou goupil, alias Renart. Ainsi cet épisode par mauvaise froidure, qui permet à Renart et son oncle le loup Ysengrin, tous deux affamés, d'apercevoir un homme marchant dans la neige, emportant sous son bras un jambon bien dodu. Dans toute sa malice, Renart imagina alors un fieffé subterfuge. Passant par un raccourci pour doubler le paysan, il se fit passer pour mort, en travers du chemin. En voyant cette rousse pelisse se détacher sur la neige immaculée, l'homme posa son jambon et voulut saisir l'animal à la fourrure. Dans son dos, Ysengrin en profita pour s'emparer de son bien et s'enfuir, immédiatement suivi par Renart. Or l'histoire nous dit que le loup garda pour lui le fruit du larcin et que Renart dut donc fort mal récompensé. L'animal en tira une forte rancune, qu'il n'eut ensuite de cesse de compenser...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est un « roman », mais paradoxalement écrit en vers – le mot roman vient ici de la langue romane. C'est un « renard », mais il s'écrit Renart (avec un T) – parce qu'il s'agit d'une déformation du prénom Raynart, ou Rheinhardt. A l'origine, Le roman de Renart est un acte d'écriture précurseur des fables animalières de la Fontaine, réalisé par beaucoup de contributeurs (dont peu d'identifiés), destiné à être raconté ou joué par des troubadours. Cette fable médiévale et heroïcomique se voulait un miroir exutoire et satirique de la société féodale extrêmement hiérarchisée des premiers siècles ayant suivi l'an 1000. Conspuer les puissants et se moquer d'eux... c'est cette espièglerie infantile et lourde de symboles qui a tant plu à René Hausmann, chantre de la nature et du règne animal. C'est sous la proposition directe de ce dernier que cette sublime version vint étoffer, en 1970, la collection Terres entières initiée par Charles Dupuis et Maurice Rosy. L'histoire a nourri son imaginaire d'enfant et il veut en proposer sa relecture, tout autant graphique que narrative, à destination de la jeunesse. Car Hausmann, fabuleux dessinateur, est aussi lettré : il s'est occupé ici non seulement des illustrations, mais aussi du texte, entièrement remanié « en vieux français de cuisine », et évidemment expurgé de ses séquences scatologiques ou pornographiques. La jeune génération SMS aura peut-être du mal à tout comprendre du « vieux françois » de cette réédition... mais un petit effort, aidé par les sublimes illustrations du maître, sera évidemment profitable.