L'histoire :
Au terme de plusieurs mois de travail acharné, Christophe Murat vient de décrocher une nouvelle étoile au Michelin. Il fête cet événement chez lui en compagnie de ses amis, mais s’inquiète que son épouse Sandra soit toujours absente. Et pour cause : épuisée par la concrétisation du projet de son mari et son tempérament, Sandra a décidé de quitter Christophe. Elle lui annonce ce soir-là par téléphone, lorsque retentissent des sirènes d’alerte dans toute la ville de Mulhouse. Ces sirènes préviennent que la centrale nucléaire située à quelques kilomètres vient d’exploser. De là où elle se trouve, Sandra est aux premières loges. Elle reçoit une pluie de cendres radioactives… 18 jours plus tard, Christophe, Sandra et leurs deux enfants arrivent en bus à Norrsjön, en Suède, en compagnie de nombreux autres réfugiés atomiques. Des allemands, des belges, des français ont été obligés de quitter définitivement leurs régions en raison de la pollution radioactive… et la Suède a proposé d’en accueillir sur son territoire. Cet exil se déroule dans un sacré bazar diplomatique et humain. Des baraquements ont été prévus, mais il faut séparer les gens par niveau d’irradiation, mais aussi par nationalités, voire par confession. Car les allemands reprochent aux français la catastrophe ; mais étant donné que l’explosion serait due à des islamistes, les musulmans sont les premiers jugés responsables. Les autorités suédoises sont dépassées, les tensions sont vives, les cohabitations difficiles…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers cette nouvelle série prévue en diptyque, à la frontière du post-apo et de la chronique sociale, Sylvain Runberg et Olivier Truc invitent leurs lecteurs à se confronter à une problématique surfant sur deux sujets de sociétés en même temps. Primo : une catastrophe nucléaire du type Tchernobyl, mais dans une zone pluri frontalière du type Fessenheim, oblige des français, des belges et des allemands à quitter définitivement leur lieu de vie. Deuxio, ces cocasiens blancs occidentaux sont obligés de s’exiler dans un autre pays, dans lequel ils sont aussi mal accueillis que les africains/afghans/syriens aujourd’hui en Europe de l’Ouest, car jugés responsables de la catastrophe. Les messages en creux sont donc doubles. Primo, démultiplier le nucléaire n’est sans doute pas la meilleure idée qui soit (notamment pour lutter contre le réchauffement climatique) étant donné les conséquences abominables en cas de défaillance… or il est impossible d’affirmer qu’il n’y aura jamais de défaillance. Deuxio, les migrants sont généralement des gens qui n’ont pas eu le choix de pouvoir rester dans leur pays ; et leur nationalité étrangère ne les rend pas ex nihilo coupables de quoi que ce soit. Les intentions de départ sont donc plutôt bonnes et invitent à la remise en question de nos choix de société. Quel dommage que les personnages et leurs actes soient aussi caricaturaux ! Dans cette histoire, tout le monde est hyper agressif envers tout le monde (y compris au sein de la famille héroïne), parfois de manière artificielle, et cela ne donne pas envie de s’attacher. Les raisons des colères sont cousues de fil blanc et manquent de subtilité. Certes, les germes du fascisme manquent intrinsèquement de subtilité, mais bon… Venant d’un scénariste de la trempe de Runberg, on aurait apprécié une psychologie de personnages plus fine. Une dimension de thriller d’état, option conspirationnisme, se greffe en prime sur ce contexte. Au dessin, sur les 94 planches impeccablement découpées et cadrées de ce premier opus, Julien Carette déroule une griffe semi réaliste cohérente, logiquement plutôt centrée sur les personnages. Espérons vivement que la catastrophe servant de point de départ, tout à fait crédible, ne soit pas prémonitoire…
