L'histoire :
Luna est une jeune aveugle qui vit seule dans son appartement. Passionnée par la création de mobiles en métal, elle partage son temps entre ce hobby et des relations familiales conflictuelles. Sa sœur Sophia lui reproche perpétuellement de se laisser manipuler par leur mère, qui sollicite énormément Luna en dépit de son handicap. Pour sa part, Sophia a coupé toute relation avec elle depuis plus de 10 ans. En rentrant chez elle après un traditionnel dîner du mardi soir en compagnie de sa soeur, Luna accroche un relevé de gaz à sa porte, travaille un peu sur un mobile, puis se couche. Le lendemain, elle fait quelques courses et rentre chez elle. Elle est bizarrement accueillie par sa sœur et son ex, qui lui rendent une visite surprise. Terriblement inquiets, ces derniers lui affirment qu’ils ont passé la nuit dans son appartement, à l’attendre et la chercher en vain ! Persuadée d’être rentrée chez elle et d’y avoir également passé la nuit, Luna n’y comprend rien. Les choses se compliquent lorsque deux officiers de police leur apprennent que la même nuit, leur mère a été assassinée. Sans alibi fiable, Luna représente la coupable idéale…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A force d’écrire des scénarii policiers, Denis Lapière commence à avoir une bonne expérience des enquêtes en tous genres (La clé du mystère, Luka, Charly…) C’est toutefois au sein de l’excellente collection Aire libre, qu’il met en place son intrigue certainement la plus aboutie à ce jour. En plaçant la narration du point de vue d’une aveugle apparemment à l’origine d’un crime, le lecteur est tenu en haleine tout au long de cette enquête. Curieux, on se demande comment le scénariste va innocenter cette sympathique héroïne que l’on se refuse à croire coupable. Même elle, en vient à douter de son innocence, tant les apparences l’accablent. Lapière y parvient de fort belle manière, en restant logique, sans mauvaise acrobatie. En outre, cette enquête hitchcockienne est magnifiée de superbe manière par le dessin de Clarke, surprenant dans un registre plus grave que d’ordinaire (il est le dessinateur de Mélusine la gentille sorcière, ou du récent Mister président). A l’image de la couverture baignée en majeure partie dans l’obscurité absolue, Clarke parvient à rendre la cécité de l’héroïne sans abuser des cases noires. Les gestes, les postures subtiles de Luna sont extrêmement réalistes. Peut-être l’angoisse qu’elle éprouve aurait-elle gagné en intensité, si elle n’avait été occultée par la mise en lumière mécanique du crime… D’un autre côté, être confronté à une intrigue aussi bien huilée est toujours un réel plaisir pour les amateurs de bon polar !