L'histoire :
Au lendemain de la crise de 1929, aux USA, l'épouse de Tom n'a pas supporté la ruine familiale et la perte de leur maison : elle s'est suicidée. Dès lors solitaire, renfermé sur lui-même, Tom est devenu vagabond, se déplaçant tel un hobo, de wagons de marchandises en petits boulots. Aussi, lorsque Buck, un gamin errant, se met à lui coller aux basques, Tom n'est pas franchement enthousiaste. Il l'aide cependant à grimper en marche dans un wagon, et profite en compagnie des autres vagabonds de ses histoires : Buck est passionné par les romans de Jack London. Plus loin, Tom saute du train, préférant poursuivre son chemin à pied, longeant une route. Il est alors pris en stop par un homme hargneux, qui cherche à lyncher un nègre pour un vague prétexte. Tom ne partage pas vraiment le racisme primaire de son chauffeur, et les deux hommes en viennent aux mains. Tom est éjecté du véhicule et reprend sa route à pied. Il vient alors en aide à un autre automobiliste, Hammond, qui a fait une sortie de route suite à un malaise. L'homme, plutôt aisé mais très malade, propose de rétribuer Tom à la hauteur de son dévouement. Tom refuse : ce qu'il a fait, n'importe qui l'aurait fait. Il a surtout hâte de dénoncer le précédent conducteur auprès du shérif local, pour la cabale au nègre qui est en train de se jouer dans la région. Il l'ignore encore, mais après un séjour en prison, Tom recroisera la route d'Hammond, qui lui demandera une dernière volonté : qu'il retrouve son fils chéri, à partir d'une photo. Stupéfait, Tom reconnaîtra Buck sur la photo...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers ce one-shot, le scénariste brésilien Wander Antunes livre un road-movie social dans l'Amérique en crise des romans de John Steinbeck (Les raisins de la colère). Sentimentalement, économiquement, psychologiquement, son héros Tom est d'emblée laminé. Or sur sa route, il ne croise que malheurs, injustices et violences : ses compagnons de routes sont SDF comme lui, et l'autorité est corrompue, raciste et haineuse au dernier degré. Bref, dans ce contexte de marasme qui suivit le krach boursier de 1929, dans un pays revenu de son idéal idéologique et en proie à ses démons, tout n'est qu'austérité. Néanmoins, Tom est sauvé par son humanisme. Grâce à cette lueur de bonté intrinsèque à sa personnalité, un nouvel objectif de vie lui est en effet offert. Dans cette quête impossible de Buck, le fils de Hammond, il surmontera des épreuves à hautes tensions et trouvera bien plus que le fils d'un autre. Ce périple profondément humain, touchant et prenant, bénéficie d'une caisse de résonance (de « raisonance » ?) toute particulière, au relief de notre propre crise actuelle. Surtout, ce type de récit grave, tragique, mais empli d'espoir, est en parfaite adéquation avec la justesse et la sensibilité du trait épais de Jaime Martin, dessinateur qui s'est déjà joliment illustré dans la collection Aire Libre, avec Ce que le vent apporte.