L'histoire :
Ce 19 juillet, par une forte chaleur, un homme traverse le pont frontière séparant El Paso (Texas) de Ciudad Juarez (Chihuahua). Le douanier mexicain interrompt sa lecture d’un recueil poétique (destiné à charmer une belle française) puis le dévisage. Le gringo ne paye pas de mine et pourtant, il le connaît. C’est sûr, sa tête lui dit quelque chose, mais il ne peut y mettre un nom. Huit bouteilles d’alcool dans sa valise : rien à déclarer sinon qu’un pommé vient encore se saouler dans son pays plutôt que chez lui… Le 20, Stan Laurel est à Parral. Mais pendant qu’il cuve, il est témoin de l’assassinat de Pancho Villa, chef de la révolution cubaine et auteur du « massacre » de Colombus, la seule invasion étrangère de l’histoire contemporaine américaine. Des hommes armés d’automatiques ne lui ont laissé aucune chance. Nous sommes en 1923. Des années plus tard, Stan rencontrera Thomas, exilé espagnol, ex-anarcho-syndicaliste et propriétaire d’un hôtel à La Paz. Puis, Greg et Julio, journalistes « borderline » seront fans de Stan. Alors qu’Alex chapotera le « Shit Department », bureau parallèle de désinformation de la CIA durant les 80’s…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les amateurs de littérature policière connaîtront sans doute le titre qui reçut en 1991 le prix du meilleur roman d’espionnage latino-américain (ainsi que le prix Dashiell Hammett, auteur américain inventeur du détective « hard boiled », le dur à cuir). Alors, comment adapter un best-seller ? Le sujet est casse-gueule tant les arts paraissent si proches et divergents à la fois. Tout d’abord, le concours de l’auteur semble un premier atout de taille : ainsi, Paco Ignacio Taibo II maîtrise une narration dense, souvent « off », sans en trahir l’esprit ou le registre décapant. Ensuite, le projet doit être confié à un passionné : le dessin cinématographique, très stylisé, d’Améziane restitue force et noirceur au récit. Enfin, ne surtout pas hésiter : oser afin de toujours SURPRENDRE. A l’image de l’intrigue éclatée d’un Pulp Fiction (Tarantino), on ne comprend l’album qu’une fois terminé. Et cependant, l’agencement des chapitres et l’entrée en scène des différents protagonistes (à de multiples époques), loin de le perdre, renouvellent chaque fois l’intérêt du lecteur et lui offrent un point de vue différent. Au pire, quel plaisir de (re-)parcourir un premier opus aux cadrages variés et au graphisme changeant selon l’humeur du temps ! Histoire de remettre de l’ordre et de saisir les subtilités d’une fresque monumentale. Attention : vous pénétrez les rouages passionnants de la géopolitique mondiale. Cessez de vous bercer de contes de fées. Quel lien existe-t-il entre Blanche Neige, le « Shit Department », Pancho Villa et les acteurs comiques Laurel et Hardy ? La suite au prochain épisode. Une leçon de réalisme cynique joué A quatre mains. Un puzzle iconoclaste relatant près d’un siècle de révolutions et de désinformations. Hors norme !