L'histoire :
Chapitre Un – lettre d’un père à sa fille, en date du 9 août 2001. Il est des choses qu’il est difficile à confesser, même par écrit. L’histoire remonte aux années 70, en pleine guerre du Vietnam. Ce jour-là, l’armée américaine menait une importante opération de représailles contre l’ennemi communiste. Le père d’Emma, en première ligne, reçut l’ordre de s’occuper d’une enfant. La jeune fille était tout juste adolescente. Le soldat refusa au début de la toucher. Mais la tentation du pouvoir fut la plus forte (…). Les années passèrent et l’homme revint régulièrement voir sa victime qui grandit. Belle et élancée, la jeune femme vivait de petits rôles au théâtre. Elle avait une enfant. Un jour, le père d’Emma apprit qu’elle vivait aussi de prostitution et de pornographie. Ce fut la dernière fois qu’il l’a vu : on la retrouva morte le lendemain, avec sa petite, suicidées… Emma avait aussi des choses à avouer à son père. Elle comprenait mieux, après cet aveu, la distance qu’avait toujours maintenue son père à son égard. La peur de pécher encore, sans doute. La culpabilité – le remord – aussi. Emma, elle, cherchait à son tour la rédemption. Elle l’avait trouvée par les Saintes Ecritures. Elle voulait maintenant être reconnue par son père. Elle qui, comme Marie-Madeleine, vendait son corps…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir œuvré quelques années aux côtés de la presse religieuse, Pascal Croci réalise aujourd’hui des envies plus personnelles. Reconnu notamment pour la bande dessinée Auschwitz qui reçut le Prix jeunesse de l’Assemblée nationale, son travail, emprunt d’une transcendance certaine, renoue ici plus directement avec les Saintes Ecritures – le chapitre Deux illustrant des passages tirés des Evangiles de la vie du Christ. Thème évident de l’album, la rédemption habite chacune des planches qui, toutes, mettent à nu les personnages, les révèlent sous leurs jours les plus crus, respectant tout juste une timide pudicité préservant un côté moral, décent. Quoique parler de décence est sans doute une erreur. Non, le salut des âmes, le souci de leur intégrité et liberté, est premier. Elancé et souple, le trait aime à s’égarer sur les formes sensuelles de son héroïne. Dessin et mise en couleur offrent de fait une esthétique tentante, aguicheuse, baignée d’une part de morbidité patente (les corps décharnés, par exemple). Elégance de l’apparence comme du propos. Narré au moyen d’une voix « off », presque de bout en bout, le récit sonne tel une introspection. Trois chapitres bien individualisés, aux accents parfois difficiles malheureusement, emportés par l’élan mystique. Le titre comme le contenu fera peut-être polémique. La parenté artistique avec l’iconoclaste Dernière tentation du Christ, portée à l’écran par Scorsese, aidera. D’une beauté troublante pour vos sens et votre âme. Ou comment concilier le sacré et le langage du corps.