L'histoire :
Nous sommes quelque part à la fin du XVIIème ou plus sûrement au XVIIIème siècle. En des temps de paix avec l’Angleterre, les vaisseaux corsaires et de la marine royale mouillent ensemble dans la rade de Saint-Malo. Sur celui du capitaine La Guigne, on fulmine. L’inaction pèse à l’équipage qui rêve d’aventures et de richesses. Quand un événement incongru survient. Des hommes ont rapportés de la pêche une étrange fiole mauresque. Son contenu verdâtre intrigue. Qu’est-ce donc ? Une mauvaise blague ennemie ? Le bouchon saute difficilement. Une importante fumée se répand sur le pont. L’équipage d’abord surpris panique. Puis une voix retentit. Un génie prénommé Sharafedin est apparu. Le prétendu lointain cousin de l’illustre Aladin propose à ses libérateurs d’exaucer trois de leurs souhaits – comme le veut la tradition – contre la promesse de le reconduire chez lui, en terre d’Arabie. Le capitaine La Guigne se méfie. Qui, hormis son second le vieux Grimm Oyre qui a lu un bréviaire des 1001 nuits, goberait une telle histoire ? Arrive alors un officier de sa Majesté qui l’enjoint à désarmer (de peur qu’il rompe la trêve). La Guigne s’y refuse et accepte le marché proposé par Sharafedin. Son premier vœu : qu’à son retour, la guerre contre la perfide Albion reprenne. Le second : qu’il les mène, lui et son équipage, jusqu’à l’île de l’Espadon où la légende veut que le terrible Rackham le cruel ait caché un fabuleux trésor…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après une première collaboration intéressante sur la trilogie Raspoutine, Tarek et Vincent Pompetti remettent ensemble le couvert pour une aventure de pirates cette fois et une seule, en eaux profondes. Des eaux d’un genre déjà navigué maintes fois par nombre d’auteurs mais nos deux compères, chacun à sa manière, y posent leur regard singulier. Côté scénario d’abord, sensible aux charmes de l’Orient, aux contes et au merveilleux, Tarek introduit au beau milieu d’un équipage de pirates – corsaires de fait – comme on en verrait dans tout bon remake de L’île au trésor, un génie. Idée de génie s’il en est puisque ce dernier, très loin d’être surpuissant ou méchamment animé de malignes intentions – les deux clichés existent – présente des traits humains attachants, intéressé et rancunier par exemple. On retrouve le ton et les jeux de mots (le vieux « Grimm Oyre » = grimoire) affectionnés par le père du Grimoire de la forêt des contes imaginaires (intégral jeunesse sorti dernièrement chez EP) et le lecteur passe au final un agréable moment détente. Côté dessin ensuite, Vincent Pompettit choisit ici la couleur directe pour habiller son crayonné. Choix probant tant le résultat est convainquant. La couleur directe permet à l’artiste d’exprimer une palette de nuances que son seul trait interdit. Les planches gagnent en volume, en relief, en force, et si l’on regrette encore quelques imperfections, certaines vignettes expriment un rendu remarquable tant du point de vue de la composition que de l’exécution (le mouillage au large de l’île de l’Espadon pl.23 ou la chute d’eau pl. 32). L’utilisation des blancs – plus que des noirs – est de fait admirable. Grand bien prendrait à Pompetti de persévérer dans cette voie… En résumé, Œil brun – Œil bleu plus qu’un énième récit de pirates ouvre des horizons différents. Un bref de malice, d’évasion et de couleurs !