L'histoire :
Alek est en vacances chez sa grand-mère, dans un village à la campagne. Lorsqu'il rentre d'une balade à vélo, il peut entendre par la fenêtre ouverte qu'elle se plaint de son comportement devant sa sœur venue prendre un thé. Le gamin a faim, mais elle lui ordonne d'attendre l'heure du dîner, alors qu'elle-même est en train de grignoter des biscuits. Le garçon ne semble même pas s'en offusquer, il ressort accompagné du chien Mik. Il retrouve son voisin à peu près du même âge, lui aussi avec son chien, et sa sœur qui voudrait bien qu'il participe à la corvée de courses. Le soir même, il entendra sa mère rentrée du travail en conversation dans le séjour se faire reprocher son incapacité à s'occuper de son fils. La grand-mère passe ses journées devant la télévision devant des séries qui racontent des histoires d'amour impossibles, se lève le moins possible pour s'occuper de son petit-fils. Le soir à table les réprimandes sont nombreuses. Alek est parfois puni, obligé de quitter le repas pour retourner dans sa chambre. Mais le gamin semble s'en moquer complètement, sa vie se passe dehors avec ses copains et les discussions maladroites avec les filles de leur âge.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec de grandes cases aux décors très sobres, des ciels presque blancs qui prennent beaucoup de place, cet album très original place ses personnages au milieu d'un paysage qui incarne la simplicité ordinaire, les vacances d'été monotones. Le sentiment enfantin de se trouver face à cette longue période des congés et la répétition des jours ressort de chaque page, sur le fond des difficultés que rencontre la maman d'Alek avec sa mère. Le lieu est indéterminé, les prénoms rarement prononcés, et parfois les dialogues qui sortent de la télévision dans le salon envahissent l'espace. Le tout crée une atmosphère très particulière, lente et pleine de non-dits, mais aussi paradoxalement très intensément fixée dans des moments particuliers qui prennent une grande importance. L'auteure Maria Rostocka a conçu son album comme un mélange de compositions visuelles parfois très réussies et de moments sonores qui prennent toute la place. Ses pages peuvent ressembler à des tableaux à la limite de l'abstrait, à l'exception notamment du personnage du jeune garçon sur son vélo. Sa technique de dessin est réduite, pour tout dire le visage d'Alek est fluctuant. En revanche ses compositions sont travaillées et esthétiques. Elle mélange des blocs aux couleurs sensibles et des personnages aux sentiments inconnus, demande des temps d'arrêt comme devant un tableau presque figuratif des années cinquante, ou les moments d'attente d'Edward Hopper. La dessinatrice est aussi illustratrice et peintre, elle a visiblement cherché à laisser parler ses aspirations artistiques avant tout, même si, mine de rien, le cheminement du jeune Alek finit par prendre la main sur l'album. Une lecture vraiment atypique, d'une lenteur et d'une densité toutes particulières.